ENVIRON 15 % des couples dans le monde sont affectés par des problèmes de stérilité (définie par une incapacité à concevoir après douze mois de relations sexuelles non protégées). L'infertilité masculine serait en cause dans 20 à 50 % des cas.
Parmi les nombreuses causes, celles de la génétique demeurent relativement inconnues.
Peu de causes génétiques ont été identifiées à ce jour. Les seules anomalies génétiques clairement établies qui perturbent la spermatogenèse humaine sont les microdélétions du chromosome Y.
Une équipe, dirigée par le Dr Pierre Ray du CHU de Grenoble, a conduit une étude génétique chez 14 hommes dont la stérilité semblait avoir la même origine.
Ces hommes, dont le caryotype somatique était normal, présentaient une spermatogenèse anormale caractérisée par : des spermatozoïdes macrocéphales multiflagelles et polyploïdes (contenant un nombre augmenté de chromosomes).
Quatre de ces hommes étaient français d'origine nord-africaine (Algérie et Tunisie) et étaient nés chacun de parents consanguins (cousins), ce qui évoquait un mode de transmission récessif. Les chercheurs ont pensé que ces hommes devaient porter une large région d'homozygotie chromosomique qui pouvait être détectée (contenant la même mutation héritée des deux parents consanguins).
Les dix autres hommes provenaient tous de la région de Rabat au Maroc, ce qui soulevait la possibilité qu'ils avaient un ancêtre commun porteur de la mutation. Ces hommes, prévoyaient les chercheurs, devaient également porter une région d'homozygotie chromosomique, qui serait probablement plus petite.
L'équipe a donc analysé le génome de ces hommes, en utilisant d'abord un kit de microsatellites à faible couverture, puis en recourant à une analyse plus détaillée des microsatellites.
Chromosome 19q.
Les chercheurs ont identifié chez tous les hommes une région d'homozygotie (détectée par un marqueur microsatellite) située sur le chromosome 19q.
Dans cette région résidait un excellent gène candidat : le gène encodant l'aurora kinase C (AURKC), connu pour être exprimé dans les testicules et censé jouer un rôle clé dans la cytokinésie, la mitose et la méiose.
Le séquençage du gène AURKC a révélé, chez les 14 hommes affectés la même mutation, une délétion homozygote d'un nucléotide dans la région codante du gène.
Cette mutation produit une protéine tronquée AURKC dépourvue de fonction kinase.
Non-ségrégation des chromosomes durant la méiose.
La mutation homozygote du gène AURKC cause donc une stérilité masculine, car l'absence de la protéine kinase AURKC entraîne la non-ségrégation des chromosomes dans les spermatozoïdes durant la méiose, et aboutit à la production de spermatozoïdes macrocéphales multiflagelles et polyploïdes.
L'absence d'autres anomalies observées chez les hommes homozygotes démontre que la protéine ne joue pas de rôle essentiel dans les tissus somatiques.
Les chercheurs ont aussi observé que les hommes hétérozygotes ne semblent pas avoir de trouble de la fécondité.
On peut noter que le gène AURKC est également exprimé dans les ovaires, mais son rôle dans l'ovogenèse reste à explorer.
L'équipe envisage maintenant de conduire une large étude épidémiologique chez les Nord-Africains, aussi bien stériles que fertiles, afin d'estimer la prévalence de la mutation du gène AURKC et d'évaluer son impact sur le potentiel reproductif de la population.
Dieterich et coll. « Nature Genetics », 15 avril 2007, DOI : 10.1038/ng2027.
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