«CES RESULTATS suggèrent qu’il est possible d’utiliser des cellules d’îlots porcins comme approche d’un traitement curatif pour le diabète», observe dans un communiqué le Dr Bernhard Hering (Diabetes Institute for Immunology and Transplantation, University of Minnesota), principal chercheur de cette étude. «Maintenant que nous avons identifié des voies essentielles impliquées dans la reconnaissance immune et le rejet des greffes d’îlots porcins, nous pouvons commencer à mettre au point des thérapies immunodépressives plus sûres, avec pour objectif la possibilité d’offrir ce traitement aux patients. »
Le diabète de type 1 est caractérisé par la destruction des cellules bêtapancréatiques (îlots de Langerhans), qui produisent l’insuline «à la demande», en réponse aux variations glycémiques.
La thérapie cellulaire, qui vise à remplacer des cellules lésées par des cellules fonctionnelles productrices d’insuline, offre une perspective thérapeutique prometteuse.
Depuis 2000, plusieurs diabétiques sévèrement atteints ont pu bénéficier d’une greffe d’îlots pancréatiques humains, prélevés sur donneurs décédés, sous le couvert d’une immunothérapie au long cours. La maladie est stabilisée tant que les cellules du donneur sont fonctionnelles.
Manque de donneurs humains.
Cependant, ces transplantations sont entravées par le manque de donneurs humains (d’autant qu’il faut plusieurs pancréas pour traiter un patient).
D’autres solutions sont donc recherchées pour remédier à cette pénurie.
L’une des pistes envisagées est la xénogreffe des îlots pancréatiques prélevés sur le porc. Cette solution présente à son tour deux obstacles à surmonter : les contaminations virales et le rejet xénogénique.
Hering et coll. décrivent une étude chez le singe dont les résultats éclairent les voies immunes impliquées dans le rejet de ce type de xénogreffe et donnent des indications sur les protocoles immunosuppresseurs qui seraient nécessaires. Ces résultats sont publiés dans « Nature Medicine ».
Les chercheurs ont transplanté des îlots de porc adulte (25 000 équivalents d’îlots/kg, cultivés pendant quarante-huit heures), par injection dans la veine porte, chez 12 macaques rendus diabétiques par la streptozotocine.
Les singes étaient répartis en trois groupes qui se distinguaient par un traitement immunosuppresseur d’intensité croissante. Le groupe A (n = 3) recevait en induction le basiliximab, puis, en entretien, le FTY720 et l’everolimus ; le groupe B (n = 4) recevait en plus, en entretien, un anticorps monoclonal humain spécifique du CD154 (AB1793) ; enfin, le groupe C (n = 5) recevait en plus, en entretien, à la fois l’anticorps monoclonal AB1793 et le léflunomide.
Survie fonctionnelle des îlots.
Tous les singes greffés sont devenus normoglycémiques et insulino-indépendants après la greffe.
La survie fonctionnelle des îlots a été prolongée entre les groupes A (trente-cinq jours en moyenne) et B (quarante-sept à plus de cent quatre-vingt-sept jours) et entre les groupes B et C. Les taux de survie des greffons à cent jours après la greffe étaient de 0 % dans le groupe A, de 50 % dans le groupe B, mais de 100 % dans le groupe C.
La toxicité est notable. Des effets indésirables de type lésions thromboemboliques ont été observés chez 8 des 9 singes du groupe B et C, probablement en rapport avec le traitement par l’anticorps monoclonal AB1793.
Pour conclure, l’étude montre que la survie prolongée des xénogreffes d’îlots porcins est possible, chez les primates non humains soumis à une immunosuppression, sans avoir besoin de cibler les épitopes Gal ou les anticorps anti-Gal, à la différence des xénogreffes d’organe entier.
Il est important de noter que les porcs donneurs n’ont pas dû être génétiquement modifiés, et les îlots donneurs n’ont pas été enveloppés ni encapsulés.
L’étude suggère que le rejet d’îlots dans ce modèle est à médiation cellulaire (cellules T CD4+ et CD8+, macrophages, et parfois cellules B CD20+).
Morbidité associée au protocole élevée et sévère.
Cependant, un tel protocole immunosuppresseur ne peut être utilisé en clinique, à cause de la morbidité élevée et sévère associée (notamment les événements thromboemboliques induits par l’anticorps anti-CD154). «Par conséquent, il sera important de développer une approche ciblant plus sélectivement la reconnaissance immune indirecte et les voies effectives pour faire avancer la xénotransplantation d’îlots», concluent les chercheurs.
Si les futures recherches dans cette voie sont couronnées de succès, le Dr Hering pense qu’il serait possible de commencer des essais cliniques humains dans les trois prochaines années.
Afin d’avancer vers cet objectif, Spring Point Project, une compagnie à but non lucratif, a déjà pris des mesures concrètes pour construire et diriger des infrastructures biosécurisées destinées à élever des porcs sains pour les futurs essais des greffes d’îlots porcins chez l’homme. La grande crainte, en effet, est le risque de maladies infectieuses causées par des virus porcins endémiques et endogènes.
« Nature Medicine », 19 février 2006, Hering et coll.
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