DEPUIS MARS 2005, cette intervention lourde a été réalisée à quatre reprises, a expliqué le Pr Wurtz au cours d’une conférence de presse. Les malades – trois hommes et une femme, de 20 à 46 ans – présentaient un cancer localisé à la trachée sans lien avec le tabac. Ce sont des cas rares, mais incurables, et les traitements sont très mutilants. On ne peut réséquer plus de la moitié de la longueur de la trachée, qui est longue d’une dizaine de centimètres.
Ces cancers non liés au tabac qui touchent particulièrement les patients jeunes tendent à s’étendre à l’ensemble de la trachée. Les patients dans ce cas ne peuvent avoir que des soins palliatifs.
«Cette technique ne s’adresse qu’à un nombre très faible de patients», a averti le Pr Henri Porte, membre de l’équipe chirurgicale.
L’intervention, qui dure entre 9 et 14 heures, consiste à faire une ablation quasi totale de l’organe malade, puis à le remplacer par un segment d’aorte de longueur égale. L’aorte est prélevée chez un patient en coma dépassé. Pour que l’aorte ne se collabe pas, les chirurgiens insèrent à l’intérieur un tube en silicone. Ils entourent ensuite la nouvelle « trachée » avec du muscle pectoral du malade afin de la protéger et d’assurer sa vascularisation.
Ensuite, avec le temps, l’aorte greffée «se transforme peu à peu en trachée», a expliqué le Pr Wurtz. On peut s’attendre que des anneaux cartilagineux se développent.
Qu’en est-il du risque de rejet ? «L’aorte est un support qui ne provoque pas de rejet, une sorte de trame sur laquelle viennent se greffer des cellules souches du receveur. Cela permet de produire des néotissus», a précisé le Pr Charles Marquette.
Le dessein est de retirer le tube en silicone après un certain laps de temps.
Toutefois, cette chirurgie n’est pas dénuée de risques, «de complications postopératoires énormes», a souligné le Pr Wurtz, évoquant un risque de grave pneumopathie. Aucune autre intervention de ce type n’est actuellement prévue par l’équipe lilloise.
Le programme de recherche d’une équipe parisienne.
Les premières expérimentations sur une greffe de trachée remontent à la fin des années 1950. Le programme de recherche qui a abouti à la première greffe réalisée à Lille a été lancé en 1997 par une équipe parisienne. En 2005, faisant un état des lieux à l’occasion d’un exposé à l’Académie nationale de chirurgie, l’équipe* notait que «plus de cinquante années de recherche n’ont pas permis de trouver de substitut idéal, synthétique ou biologique, à la trachée». Ils ont alors proposé l’idée du greffon aortique ; des études chez l’animal ont été réalisées. Cinquante brebis ont été greffées en suivant trois protocoles différents. Dans l’étude portant sur des allogreffes à l’aide d’aorte de bélier, on a suivi les modifications tissulaires en se servant de la PCR.
Après six mois, une ablation de l’endoprothèse a été possible. «L’étude anatomopathologique a montré une transformation progressive du greffon aortique en un tissu proche de celui de la trachée, comportant un épithélium malpighien, puis muco-ciliaire ou mixte, et une néoformation de cartilage immature, puis organisé en anneaux.»
La régénération cartilagineuse qui n’a jamais été rapportée avec les autres substituts a été possible à partir des cellules souches du receveur, issues de la trachée native ou de la circulation.
* E. Martonod, A. Seguin, R. Jancovici, J . Azorin et A. Carpentier (Bobigny, Broussais et Clamart).
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