LES CHIMPANZÉS (Pan troglodytes) d’Afrique centrale constituent le réservoir connu de SIV (virus de l’immunodéficience simienne) qui a franchi la barrière d’espèce vers les humains au moins à deux reprises à notre connaissance. Et qui a produit la pandémie que l’on connaît de VIH1 du groupe M et quelques cas d’infection par VIH1 du groupe N au Cameroun. Pour une troisième lignée de VIH1 provenant de la même origine, les VIH1 du groupe O trouvés en Afrique de l’Ouest, le réservoir de virus demeurait jusqu’ici énigmatique. Un groupe de travail comprenant des Français, des Américains et des Britanniques* annoncent la découverte de virus VIH1-like du groupe O chez des gorilles sauvages. On connaît plus de trente espèces de primates africains porteuses de SIV, mais les chimpanzés sont les seuls connus pour abriter des virus étroitement apparentés au VIH1 humain.
Des échantillons fécaux.
«Nousavons testé des échantillons fécaux de 378chimpanzés et de 213gorilles provenant de régions éloignées de la forêt du Cameroun pour savoir s’il y avait des réactions croisées avec des anticorps contre le VIH1», expliquent les auteurs. Comme d’habitude, on trouve un certain nombre des chimpanzés P.troglodytes portant des anticorps positifs contre le VIH1.
Et, de manière surprenante, 6 des 213 échantillons de fèces de gorilles présentaient le même signal. Tous les 6 avaient des anticorps qui liaient la glycoprotéine d’enveloppe (gp41, gp160/gp120 et gp 24) ; ainsi que les protéines Pol (p66 et p51), après confirmation au Western-Blot.
L’ARN a été extrait des fèces des gorilles positifs pour les anticorps et amplifié par PCR. Les séquences pol, env, nef ont été passées au crible de la philogénie moléculaire, ce qui a montré que les gorilles étaient infectés par différentes souches de SIV.
«Les virus des gorilles se sont agrégés ensemble formant, à l’intérieur de la branche SIV, une lignée monophylétique qui est plus proche du VIH1 du groupeO que n’a été aucun autre virus SIV connu à ce jour, observent les biologistes. Nous avons intitulé cette nouvelle lignée virale “SIV gor”.»
La découverte de souches distinctes, mais liées de SIV gor, provenant de gorilles vivant à 400 km de distance, «suggère que l’infection est endémique chez ces animaux, tout comme chez les chimpanzés.» Il paraît peu probable que les gorilles aient acquis l’infection de manière sporadique à partir des chimpanzés. Comme les descriptions phylogéniques indiquent que le chimpanzé est le réservoir original, soit il l’a transmis à la fois aux humains et indépendamment aux gorilles, soit aux gorilles de manière endémique, avec un passage aux humains par la suite.
A noter : en testant les deux espèces et les quatre sous-espèces de gorilles, le SIV gor n’a été trouvé que chez l’une d’entre elles, le gorille G.gorilla.
Il reste à trouver les voies par lesquelles les gorilles ont acquis le SIV gor, car les contacts entre chimpanzés et gorilles ne sont pas fréquents.
* Fran Van Heuverswyn et coll. (IRD et université de Montpellier, université d’Alabama et Norringham). « Nature », vol. 444, 9 novembre 2006, p. 164.
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