De notre correspondante
à New York
« Cette étude représente la première analyse systématique des mutations d'une famille de gènes dans un type de cancer humain. Malgré des décennies de recherches sur les gènes tyrosine kinase, peu des gènes que nous avons identifiés avaient été liés auparavant au cancer humain », soulignent, dans « Science », les chercheurs américains et italiens.
« Nos résultats ouvrent la voie à l'analyse et au traitement personnalisés du cancer colorectal », commente dans un communiqué le Dr Victor Velculescu, cancérologue au Sidney Kimmel Comprehensive Cancer Center de Johns Hopkins, qui a conduit l'étude. « Grâce à ce nouveau travail, il est possible d'imaginer des thérapies individualisées, fondées sur les mutations dans différents gènes kinase et visant à corriger les voies TK mutées dans l'ADN tumoral particulier de chaque patient. »
Les protéines tyrosine kinase intéressent depuis longtemps les chercheurs car elles jouent un rôle essentiel en régulant les voies de signal qui contrôlent la croissance cellulaire, la différenciation, l'apoptose, la mobilité et l'invasion du tissu environnant. Lorsque ces protéines régulatrices sont altérées, les cellules continuent de se diviser et peuvent évoluer vers un cancer.
Des cibles thérapeutiques intéressantes
Les tyrosine kinases altérées dans le cancer constituent donc des cibles thérapeutiques intéressantes, puisque des inhibiteurs de ces protéines pourraient enrayer le processus cancéreux. En témoigne Glivec, inhibiteur de l'enzyme tyrosine kinase anormale (BCR-ABL) impliquée dans la leucémie myéloïde chronique. Si les efforts de recherche menés jusqu'à présent ont permis d'identifier quelques gènes tyrosine kinase mutés dans certains cancers, on ignore combien des membres de cette famille de gènes sont mutés dans un type de cancer particulier, et avec quelle fréquence.
L'équipe dirigée par le Dr Velculescu, qui comprend aussi les célèbres chercheurs Kenneth Kinzler et Bert Vogelstein, a entrepris de déterminer quels gènes de la famille tyrosine kinase sont mutés dans le cancer colo-rectal, qui est le troisième dans la liste des cancers les plus fréquents. Sans les nouvelles technologies de séquençage rapide et les informations du projet du génome humain, cette analyse n'aurait pas pu être possible.
Des mutations liées à la croissance tumorale
Les chercheurs ont analysé l'ADN de 182 cancers du côlon. Ils se sont concentrés sur tous les segments génétiques (819 exons) codant pour les domaines d'activité des 138 gènes tyrosine kinase (TK) trouvés chez l'homme. En scrutant 4 millions de paires de bases d'ADN, les chercheurs ont découvert que 14 gènes TK contiennent des mutations somatiques (ou tumeur-spécifique) dans leur domaine kinase. Sept gènes (NTRK3, FES, KDR, EPHA3, NTRK2, MLK4, GUCY2F) ont été trouvés mutés dans plusieurs lignées tumorales, et des arguments supplémentaires indiquent que ces mutations sont bien liées à la croissance tumorale. L'équipe examine maintenant de plus près les gènes TK les plus souvent mutés dans les cancers du côlon, avec l'espoir de développer de nouveaux médicaments anticancéreux pouvant cibler ces anomalies moléculaires.
« Science » du 9 mai 2003, p. 949.
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