CERTAINES caractéristiques héréditaires peuvent-elles sauter une génération ? Du point de vue du généticien, cette croyance populaire ne peut s'appliquer qu'à des cas particuliers, notamment aux phénotypes contrôlés par des gènes récessifs portés alternativement à l'état hétérozygote puis homozygote. Mais le travail d'une équipe américaine de l'université de Purdue remet en cause ce principe de base de la génétique mendélienne : chez la plante Arabidopsis thaliana (l'arabette), Lolle et coll. ont observé que des gènes portés par une génération d'organismes peuvent disparaître du génome de la deuxième génération, pour finalement réapparaître dans les chromosomes de la troisième génération !
Les cellules possèdent des outils sophistiqués capables de repérer et corriger les mutations au fur et à mesure de leur apparition dans les génomes. Le fonctionnement de ces systèmes se fonde sur le fait qu'une mutation apparaît le plus souvent sur un seul des deux brins de l'ADN. La machinerie de réparation de l'ADN utilise l'autre brin comme modèle, pour rectifier les erreurs qui se sont introduites dans le génome. Mais, si une mutation n'est pas repérée et réparée à temps, elle est recopiée sur le second brin d'ADN au cours de la division cellulaire suivante. La mutation est alors « fixée » dans le patrimoine génétique. Les possibilités de retour en arrière (les généticiens parlent de « réversion » de la mutation) sont alors assez réduites, donc extrêmement rares.
Un phénomène étrange.
Pourtant, en étudiant une lignée mutante d' A. thaliana, Lolle et coll. ont observé un phénomène étrange : en croisant des plantes homozygotes pour une mutation qui affecte leur morphologie, les chercheurs ont obtenu un nombre important de plantes sauvages, génétiquement identiques à leurs ascendants au deuxième degré (leurs « grands-parents »). Le taux de réversion observé atteint plusieurs pour cent.
Les chercheurs ont vérifié que ce phénomène exceptionnel n'est pas dû à une augmentation fulgurante du taux de mutation aléatoire, ni à des réactions de recombinaison mettant en jeu un gène apparenté au gène muté. Ils ont ensuite étudié le taux de réversion d'autres mutations et observé que le phénomène de super-réversion peut s'observer en de multiples points du génome.
Reste, bien sûr, à expliquer ce phénomène tout à fait inédit. Lolle et coll. proposent une hypothèse selon laquelle l'élévation de la fréquence de réversion observée dans leurs modèles est liée à un stress métabolique important. Ils supposent, en outre, que la matrice qui permet la correction de la mutation est une molécule d'ARN.
« Nature » du 24 mars 2005, pp. 505-509.
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