L'INFECTION de souris adultes immunocompétentes par le virus Friend représente un modèle bien établi pour l'étude de la résistance génétique à des infections par des virus immunodépresseurs. Le rétrovirus Friend (VF, du nom de Charlotte Friend, qui l'a découvert en 1956) est une souche de virus de la leucémie chez la souris. On sait depuis 1978 que la récupération chez les souris de l'infection par FV se fait grâce au gène autosomal Rfv3, qui représente un trait de résistance. Des recherches intenses ont été menées depuis une trentaine d'années pour décrypter l'identité moléculaire de Rfv3, situé dans une région qui contient une soixantaine de gènes.
Mario Santiago, Warner Green et coll. annoncent avoir progressé dans cette voie et apporté des éléments nouveaux qui pourraient aider à trouver un traitement ou à mettre au point un vaccin. Et à comprendre des éléments fondamentaux concernant le VIH, notamment comment des individus sont intrinsèquement résistants. Santiago et coll. montrent que Rfv3 est localisé dans la même région du chromosome que le gène Apobec3, un membre de la famille des doxycyclines désaminases, des enzymes qui ont une activité antirétrovirale. Ils montrent que, en réalité, Rfv3 est Apobec3. La récupération liée à Rfv3 – et donc à Apobec3 – est associée à une production d'anticorps neutralisants spécifiques des rétrovirus qui permettent aux souris de combattre avec succès ces infections.
Une surprise.
«Le lien que nous avons découvert tout récemment entre Apobec3 et la production d'anticorps neutralisants est une véritable surprise», souligne l'auteur principal de l'étude, le Dr Greene.
Des souris déficientes pour Apobec3 ont été créées. Ce qui a permis de confirmer l'activité de résistance du gène contre l'infection (les souris knock-out ont une virémie multipliée par quinze) et qui a conduit les chercheurs à affirmer : «Apobec3 est un facteur de restriction contribuant au contrôle précoce de l'infection.»
Apobec3 est exprimé par les lymphocytes B et il a un rôle important, puisqu'il participe à la mise en forme du répertoire des anticorps. La famille Apobec3 existe aussi chez les humains. Elle a été impliquée dans le contrôle de l'infection par le VIH1 : «la région chromosomique humaine contenant Apobec3 influe sur la capacité du virus à établir l'infection.» Mais les observations ont montré que la protéine Vif que produit le VIH met en échec les actions de certains membres de cette famille (Apobec3G et Apobec3F). D'une manière naturelle, «l'altération de l'activité antirétrovirale d'Apobec3 peut expliquer la pauvreté des réponses par anticorps neutralisants, telles qu'elles sont observées dans l'infection par le VIH», soulignent W. Green et coll.
Mais ces observations donnent aussi un espoir dans le combat contre l'infection, par la mise au point d'antagonistes contre Vif, ce qui pourrait permettre de libérer une réponse par anticorps neutralisants contre le VIH.
Par ailleurs, l'action de ces gènes Apobec3 pourrait expliquer les résistances intrinsèques de certains individus contre le VIH. Les études biologiques menées chez les individus qui sont massivement exposés au VIH et demeurent séronégatifs ont permis de localiser ce phénotype dans la région 22q12-13, une région qui justement «se distingue par la présence des sept membres de la famille des Apobec3 humains».
Les auteurs appellent à «un criblage génétique de l'intégralité du locus Apobec3 chez les humains, en s'intéressant particulièrement aux différences induites par les épissages alternatifs (variants) , pour explorer la participation de cette famille de gènes à la résistance contre le VIH, à la production des anticorps neutralisants et à la progression de la maladie».
« Science », vol. 321, 5 septembre 2008, pp. 1343-1346.
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