Un groupe de chercheurs britanniques vient de démontrer l'efficacité de l'utilisation des ARN interférents (ARNi) en génomique fonctionnelle. Ravi Kamath et coll. (uiniversité de Cambridge) publient cette semaine, dans la revue « Nature », les résultats d'une vaste étude au cours de laquelle ils ont inactivé 16 757 des 19 427 gènes de Caenorhabditis elegans à l'aide d'une banque d'ARNi. Cette étude leur a permis de mettre en évidence 1 722 gènes dont l'inactivation conduit à un phénotype défectif. De plus, le recours à cette banque d'ARNi a conduit à la découverte d'un nombre important de gènes qui jouent un rôle dans la régulation du stockage des graisses chez C. elegans et possèdent un homologue humain.
Le ver Caenorhabditis elegans
L'utilisation des ARNi en génomique fonctionnelle est très avantageuse chez C. elegans, en particulier par rapport à celle du « knock-out », car l'inactivation de l'expression des gènes peut être observée simplement en nourrissant les vers avec des bactéries Escherichia coli qui contiennent une molécule d'ADN circulaire codant pour un ARNi. Afin d'obtenir des informations fonctionnelles au sujet des gènes prédits à partir des données du séquençage, Kamath et coll. ont donc choisi de construire une banque de 16 757 souches bactériennes contenant chacune une molécule qui code pour l'ARNi spécifique d'un gène de C. elegans. Cette banque a ensuite été utilisée pour nourrir des larves de vers hermaphrodites. Les auteurs ont ainsi pu identifier les gènes pour lesquels l'inactivation induite par les ARNi conduit à la stérilité, la mort, un ralentissement de la croissance ou des défauts morphologiques importants. De tels phénotypes ont pu être observés avec 10 % des ARNi de la banque.
Visualiser la graisse dans le corps des vers
Asharafi et coll. ont profité de l'existence de cette banque d'ARNi pour rechercher les gènes de C. elegans impliqués dans la régulation du stockage des graisses. Pour cela, ils ont nourri les vers avec les souches bactériennes construites par Kamath et coll. et avec un colorant permettant de visualiser la graisse dans le corps des vers vivants. Cette stratégie leur a permis d'identifier 305 gènes dont l'inactivation réduit la quantité de graisse stockée dans l'organisme des vers et 112 gènes dont l'inactivation conduit au contraire à l'augmentation du stockage. Parmi ces gènes, beaucoup sont conservés et pourraient donc constituer des cibles intéressantes dans le cadre de traitement contre l'obésité.
La mise en place d'autres études fonctionnelles utilisant cette banque d'ARNi devraient permettre à C. elegans de devenir un modèle de choix dans la recherche de cibles thérapeutiques pour nombre de pathologies humaines du métabolisme.
« Nature » du 16 janvier 2003, vol. 421, pp. 220, 231-237 et 268-272.
Des ARN double brin
Les premières observations relatives aux ARN interférents (ARNi) ont été réalisées sur les fleurs de pétunias au début des années quatre-vingt-dix. Ces molécules sont des ARN double-brin capables de se fixer à un ARN messager de séquence homologue et de conduire à sa destruction. Ces petites molécules empêchent l'expression de gènes en fonction d'une spécificité de séquence.
Originellement, les ARNi devaient jouer un rôle dans la protection contre les virus : en se fixant aux ARN viraux, ils permettaient leur destruction.
Chez l'homme, ce rôle a disparu au profit de la mise en place du système immunitaire. Cependant, les ARNi permettent encore la régulation de l'expression de certains gènes en fonction des besoins de l'organisme. De plus, la découverte de ces petites molécules a fourni aux chercheurs une nouvelle stratégie qui permet d'inactiver l'expression de gènes : l'introduction d'ARNi synthétique dans une cellule a, en effet, pour résultat théorique d'inactiver de manière transitoire l'activité codée par n'importe quel gène dont la séquence est connue.
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