De notre correspondante
à New York
« L'ISOLEMENT DE CES GENES représente un pas crucial vers l'amélioration du diagnostic de la maladie de Crohn et le développement de meilleurs traitements pour les patients », souligne le Dr Katherine Siminovitch, professeur de médecine a l'université de Toronto et cofondatrice de la compagnie Ellipsis Biotherapeutics Corp, qui a dirigé l'une des deux recherches.
La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, les deux sous-phénotypes principaux de la maladie inflammatoire intestinale, représentent une maladie complexe, résultant de l'interaction de plusieurs gènes avec des facteurs de l'environnement.
Vingt pour cent des maladies de Crohn sont familiales. Plusieurs locus génétiques conférant une susceptibilité à cette maladie ont été récemment mis en évidence par les efforts de recherche. Sur le chromosome 16 (locus IBD1), le gène CARD 15 (gène du domaine de recrutement de la caspase) a récemment été identifié comme un gène de susceptibilité à la maladie de Crohn.
Plusieurs familles canadiennes.
Katherine Siminovitch et son équipe canadienne ont concentré leur recherche sur un locus (IBD5) précédemment identifié sur le chromosome 5q31. Ils ont séquencé ce segment génétique utilisant l'ADN de plusieurs familles canadiennes affectées.
Deux variants des gènes voisins SLC22A4 et SLC22A5 sur le chromosome 5q31, lesquels codent pour deux transporteurs de cations organiques - OCTN1 et OCTN2 - se révèlent associés à une susceptibilité à la maladie de Crohn. Ils sont cependant fréquents dans la population. En outre, ils interagissent avec l'autre gène CARD 15 pour majorer le risque de maladie de Crohn. « Ces résultats suggèrent que SLC22A4, SLC22A5 et CARD15 agissent dans une même voie pathogénique pour causer la maladie de Crohn », concluent les chercheurs.
Altération d'un mécanisme antibactérien ?
Les variants géniques, proposent les chercheurs, pourraient causer la maladie en diminuant l'activité (pour l'OCTN1) ou l'expression (pour l'OCTN2) de ces transporteurs transmembranaires de carnitine. Cela pourrait altérer un mécanisme antibactérien, ou augmenter la captation de toxines bactériennes potentielles, encore que le mécanisme exact reste a établir.
« La forte interaction entre les gènes SLC22A4, SLC22A5 et CARD15 dans la maladie de Crohn, et l'interaction possible entre SLC22A4 et RUNX1 dans la polyarthrite rhumatoïde, laisse supposer que les protéines OCTN participent dans de multiples voies sous-tendant l'inflammation chronique », remarquent-ils. Cette découverte peut maintenant être utilisée pour développer un test diagnostique pour la maladie de Crohn, afin de la diagnostiquer plus tôt et de la différencier de la RCH. En outre, les OCTN représentent de potentielles cibles thérapeutiques, une voie activement explorée maintenant par l'équipe.
D'autres gènes et des facteurs environnementaux.
Une autre équipe, celle du Dr Stefan Schreiber (université de Christian-Albrechts, Kiel, Allemagne), avait précédemment identifié un locus de susceptibilité à la maladie de Crohn et la RCH sur le chromosome 10q23 en étudiant 282 familles d'origine européenne. Ils ont maintenant identifié par clonage positionnel un lien entre des variants du gène DLG5 et les deux maladies inflammatoires intestinales.
La protéine DLG5 pourrait jouer un rôle dans le maintien de la structure épithéliale ; il est donc possible que des variants génétiques de DLG5 interfèrent avec la fonction de la barrière épithéliale dans le colon. Là aussi, les chercheurs ont constaté qu'un variant DLG5 interfère avec le gène CARD 15 pour accroître le risque de la maladie de Crohn. Ces travaux représentent donc une avancée, mais il reste encore beaucoup à apprendre, d'autres gènes à identifier, et élucider les facteurs environnementaux. « Si nous réussissons à identifier la majorité des gènes impliqués dans cette maladie, nous pourrons comprendre comment ces gènes agissent ensemble pour causer la maladie. Cette information nous aidera alors à identifier également des facteurs déclenchants de l'environnement qui sont susceptibles d'être prévenus », laisse entrevoir le Dr Siminovitch.
« Nature Genetics », 12 avril 2004, DOI : 10.1038/ng1339, DOI : 10.1038/ng1345.
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