De notre correspondante
à New York
Deux pour cent de la population dans les pays occidentaux souffrent du psoriasis, une affection chronique de la peau caractérisée par l'inflammation et la desquamation. L'étiologie est encore inconnue, mais on soupçonne un trouble du système immunitaire. Il existerait une hyperactivité des cellules T dans la peau, et les cytokines ainsi libérées déclencheraient l'inflammation et l'accumulation excessive des cellules cutanées.
Le psoriasis est causé par l'interaction de plusieurs gènes et de facteurs environnementaux. De 20 a 30 % des patients ont aussi un psoriasis arthropathique et de nombreux patients ont des troubles auto-immuns comme un diabète ou un lupus.
Facteurs environnementaux : stress, infections, médicaments
Les facteurs environnementaux qui favorisent le psoriasis sont le stress, les infections par le streptocoque ou le VIH, et certains médicaments (bêtabloquants, lithium).
Pour les facteurs génétiques, des allèles HLA de classe I et un second locus sur le chromosome 17q24-25 ont été liés au psoriasis.
L'équipe dirigée par le Dr Anne Bowcock, directrice de la Banque tissulaire nationale du psoriasis a l'université de médecine de Washington à Saint Louis (Missouri), décrit maintenant l'identification de trois gènes liés au psoriasis. L'équipe a analysé la région du chromosome 17q24-25 chez 242 familles d'origine européenne, comprenant au moins deux membres affectés. Leur étude, menée sur près de dix ans, a permis d'identifier, sur le chromosome 17q25, deux pics d'association au psoriasis, séparés de six mégabases.
Le premier pic d'association contient le gène SLC9A3R1 et le gène inconnu NAT9, membre de la famille des N-acétyl-transférases. Le gène SLC9A3R1 code pour une phosphoprotéine qui intervient dans la biologie de la membrane épithéliale et la formation de la synapse immune des cellules T. Le second pic d'association contient le gène RAPTOR.
L'équipe s'est concentrée pour l'instant sur le premier pic d'association. Le gène SLC9A3R1 est surtout exprimé dans la couche supérieure de l'épiderme et dans les cellules T inactives et son expression est diminuée après activation des cellules T. Si le gène SLC9A3R1 a le plus de chance d'être impliqué dans le psoriasis, il n'est pas exclu qu'un mécanisme régulateur complexe implique les deux gènes (SLC9A3R1 et NAT9). Enfin, un polymorphisme de nucléotide unique (SNP) situé entre les gènes SLC9A3R1 et NAT9, qui empêche la fixation de RUNX1 - un facteur de transcription hématopoïétiques -, est associe au psoriasis.
« Le lien avec RUNX1 est intéressant et pourrait éclairer une voie commune impliquée dans la tolérance », souligne auprès du « Quotidien » le Dr Bowcock. Deux autres équipes ont découvert qu'une perte du site de fixation pour RUNX1 dans deux autres gènes augmente la susceptibilité à deux autres maladies auto-immunes : le lupus et la polyarthrite rhumatoïde.
Comme le remarquent les chercheurs, ces gènes de susceptibilité au psoriasis n'élèvent que faiblement le risque. Les polymorphismes des 3 gènes lies au psoriasis sont aussi présents chez 37 % de la population normale. « Puisque seulement 2 % de la population développe le psoriasis, il est clair que de nombreux autres gènes sont impliqués pour déterminer le risque de psoriasis et que les gènes identifiés sont liés à un faible risque, déclare le Dr Bowcock. Mais c'est encourageant car ce ne sont pas des gènes que nous aurions imaginés pour une susceptibilité au psoriasis ; et maintenant qu'ils sont identifiés, les connections commencent a avoir du sens. »
Association à l'eczéma dans la même région
Par ailleurs, l'équipe est intriguée par l'association de l'eczéma à la même région chromosomique 17q25. Ces gènes identifiés pourraient-ils aussi contribuer à l'eczéma ?
« Nous commençons a assembler les premières pièces du puzzle », déclare le Dr Bowcock. L'étude de ces gènes devrait éclaircir les voies biochimiques altérées dans le psoriasis, et révéler de nouvelles cibles thérapeutiques.
« Nature Genetics », 10 novembre 2003, http://dx.doi.org/10.1038/ng1268.
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