LE TEMPS DE LA MEDECINE
DES OVULES de top-model ou de diplômée d'Harvard, des spermatozoïdes d'hommes d'affaire accomplis ou de sportifs de haut niveau : le choix est de plus en plus vaste.
Le business de la gamète de « premier choix » semble en plein essor. Les sociétés spécialisées dans ce commerce se multiplient, notamment aux Etats-Unis, où la vente de sperme et d'ovules est parfaitement légale. Leur argumentaire est simple : quitte à avoir recours à un donneur, pourquoi ne pas choisir le meilleur ? En jouant sur la confusion qui existe dans les notions de « procréation » et de « reproduction », ces banques de gamètes laissent espérer à leurs clients que leur futur enfant héritera des qualités du donneur qu'ils ont choisi. Pourtant, rien ne peut garantir que l'enfant d'une reine de beauté ou d'un médaillé olympique sera lui-même beau ou sportif.
C'est pourquoi les parents qui sont prêts à débourser plusieurs dizaines de milliers d'euros pour acquérir la gamète de leur rêve ferait bien de se remémorer l'histoire des « bébés Nobel ».
Souvenez-vous, c'était au début des années 1980. Robert Graham décidait de créer une banque de sperme de « première qualité », la Repository for Germinal Choice.
Contrairement aux banques de gamète plus récentes, la vocation de la Repository for Germinal Choice n'était pas de rapporter de l'argent. Il s'agissait d'une fondation à but non lucratif. Les dons de sperme étaient bénévoles, les inséminations gratuites. L'objectif de Graham était purement eugéniste. Il voulait offrir aux lauréats du prix Nobel la possibilité de multiplier leur descendance, pensant ainsi favoriser la naissance de petits génies. Un projet très discutable aussi bien d'un point de vue éthique que du point de vue scientifique. Même s'il existait un gène de l'intelligence, la complexité des mécanismes biologiques mis en jeu au cours de la procréation ne permettrait pas de garantir sa transmission à la descendance.
Les bébés Nobel.
Quoi qu'il en soit, l'idée de Graham a séduit plusieurs centaines de femmes. La banque a ainsi contribué à la conception de plus de 200 enfants. Mais bien que ces enfants aient été surnommés les « bébés Nobel », aucun d'entre eux ne peut se vanter d'avoir un papa prix Nobel : en effet, pas un seul des lauréats de Stockholm n'a accepté de participer à cette expérience eugéniste. De toutes les façons, ces messieurs étaient généralement trop âgés pour donner du sperme de qualité. Finalement, ce sont donc les dons de jeunes et brillants scientifiques, de sportifs de haut niveaux, d'artistes et d'hommes affaires accomplis qui ont alimentés la Repository for Germinal Choice.
Bien entendu, Graham souhaitait suivre l'évolution des enfants issus de sa banque, mais dans la plupart des cas, les parents ont refusé de jouer le jeu. Un seul des bébés Nobel a véritablement fait parler de lui. Il s'agit de Doron Blake, un authentique surdoué doté d'un QI de 180. Les prouesses de cet enfant qui aurait appris à lire dans les œuvres complètes de Shakespeare ont été surmédiatisées aux Etats-Unis à la fin des années 1990.
En 2002, après de longs mois d'enquête, un journaliste américain, Daniel Plotz, a finalement réussi à retrouver quinze autres enfants issus de la banque. La plupart d'entre eux étaient de bons élèves, plutôt heureux et épanouis dans leur vie, des adolescents qui n'avait rien d'exceptionnel, si ce n'est une origine peut-être difficile à assumer.
L'enquête de Daniel Plotz est accessible en ligne sur http://slate.msn.com.
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