Deux voies de prévention antivirales à l'essai

Des furets protégés par des anticorps humains

Publié le 27/06/2004
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DES CHERCHEURS allemands et néerlandais ont conçu un anticorps monoclonal humain de type IgG1, appelé CR3014. Cet anticorps ayant montré sa capacité à neutraliser in vitro le sras CoV, les chercheurs l'ont testé in vivo chez le furet. S'ils ont choisi le furet, c'est parce qu'il peut être infecté par le Sras CoV par voie intratrachéale, parce qu'il réplique fortement le virus dans ses poumons et parce qu'il développe des lésions pulmonaires. Deux séries d'expérimentations ont été réalisées.
Dans la première série, des femelles de furet ( Mustela furo, de 800 à 900 g) ont été infectées par voie intratrachéale avec des Sras CoV (souche HKU-39849) à des doses soit de 1 000 soit de 10 000 TCID50* (n = 8 dans chaque groupe) ; ces virus avaient été préalablement incubés soit avec l'anticorps CR3014 (n = 4), soit avec une IgG1 monoclonale humaine contrôle (n = 4 ; animaux contrôles). Des prélèvements pharyngés étaient réalisés avant l'inoculation puis à J2, J4 et J7. Dans chaque groupe de 4, 2 furets ont été sacrifiés à J4 et J7.
Tous les furets contrôles avaient des titres élevés de sras CoV dans leurs poumons à J4 et des taux plus bas à J7. La réplication virale s'accompagnait de lésions pulmonaires multifocales touchant entre 5 et 10 % de la surface pulmonaire ; les lésions histologiques étaient principalement des dégâts alvéolaires et une infiltration lymphocytaire péribronchique et périvasculaire. L'analyse des prélèvements pharyngés a montré que le virus était présent dans les sécrétions pharyngées jusqu'à J7. A l'opposé, les animaux du groupe CR3014 avaient des titres viraux presque indétectables dans les poumons, n'avaient pas de lésion pulmonaire à J4 et J7 et n'avaient pas de virus dans la gorge.
Dans la deuxième série d'expérience, deux groupes de furets (4 dans chaque) ont reçu une injection intrapéritonéale soit de CR3014, soit d'IgG1 contrôle vingt-quatre heures avant l'infection intratrachéale par le sras CoV (HKU-39849). Des prises de sang étaient effectuées avant l'administration d'anticorps puis avant l'infection puis à J2. Des prélèvements pharyngés étaient faits avant l'inoculation puis à J2 et J4. Les animaux étaient sacrifiés à J4.
Dans le groupe CR3014, le titre de sras CoV dans les poumons était 3,3 log fois plus bas que chez les animaux contrôles ; il y avait une protection complète face aux lésions pulmonaires macroscopiques ; la présence de virus dans la gorge était abolie chez 3 de 4 furets CR3014. Toutefois, chez un des animaux, le niveau d'excrétion de sras CoV était identique à celui du groupe contrôle ; chez lui, le taux d'Ac neutralisants était bien plus faible que celui des trois autres.
« L'immunisation passive avec CR3014 pourrait constituer une approche pour prévenir les manifestations pulmonaires chez les gens exposés au coronavirus du sras et prévenir la dissémination de personne à personne », concluent les auteurs.

Jan ter Meulen. « The Lancet » du 26 juin 2004, pp. 2139-3141.
* TCID50 : 50 % Tissue Culture Infective Dose.

> Dr E. DE V.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7569