DE NOTRE CORRESPONDANTE
POUR SE RÉINTEGRER dans la société, organiser son avenir et acquérir une certaine autonomie, force est de quitter l'enceinte de l'hôpital. Et force est d'avoir un toit pour garder ou retrouver un équilibre psychique. Or le problème de l'hébergement est particulièrement épineux en Paca, où le tourisme fait flamber les prix et multiplie les logements locatifs occupés pendant quelques mois de l'année. Le logement social connaît des difficultés croissantes, et le logement à caractère thérapeutique plus encore. D'où le thème choisi cette année par l'association marseillaise Arpsydémio, association de recherche et de formation en psychiatrie et en épidémiologie.
Décisions politiques.
Afin d'alerter les pouvoirs publics et de trouver des solutions au manque de psychiatres, de personnels et de moyens, cette petite association accomplit depuis plusieurs années un travail en réseau avec les équipes soignantes du CHS Edouard-Toulouse, des professionnels médico-sociaux d'autres horizons, des usagers, des familles (avec l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux) et des décideurs locaux. La mobilisation de ces partenaires semble notamment nécessaire pour ouvrir en ville des appartements thérapeutiques, si on peut persuader les élus, les propriétaires et les voisins.
« Il faut dépasser le diagnostic et atteindre des décisions politiques, stimuler les politiques dans le champ du social et de la santé », a reconnu une élue d'arrondissement venue apporter son soutien aux psys. Pour le Dr Dolorès Torres, présidente d'Arpsydemio, « il est indispensable d'installer des lits dans la cité si l'on veut tourner le dos aux pratiques asilaires ». Mais avec 530 euros d'allocation par mois, il est impossible pour les malades de se loger à Marseille ou dans une autre ville de la région. Le « droit au logement des patients » étant fondamental, il faut « créer un plan d'hébergement thérapeutique et social pour faire bouger les choses ».
Mais la régression sociale et la politique sécuritaire risquent de freiner toute évolution. Les psychiatres réunis à Marseille ont exprimé leur inquiétude quand des malades mentaux sont traités comme des délinquants, car la maladie mentale est trop souvent tenue pour responsable de comportements violents. Le Dr Guy Baillon, psychiatre de secteur à Paris, qui fut l'un des premiers à créer des lits hors les murs de l'hôpital, souligne que « les grandes forteresses hospitalières existent toujours : elles ont leur place dans une société sécuritaire ». D'autres intervenants ont dénoncé l'assimilation réductionniste de la psychiatrie à la médecine : « La médicalisation écarte les implications sociales et individuelles. » D'où la nécessaire union des différents professionnels et des citoyens pour imposer une autre vision et d'autres moyens pour la santé mentale.
Services de proximité.
Ce sont les services de proximité qui doivent permettre de diversifier l'offre de soins, et faciliter le passage entre l'hôpital, où la prise en charge est totale, et le domicile, où le patient est totalement livré à lui-même ou placé sous la responsabilité d'une famille souvent désemparée. Toutefois, l'hébergement et le suivi en ville sont inutiles sans un accompagnement social de qualité, impliquant une formation particulière pour « décoder le mal-être ». Une nécessité plus grande encore pour les malades en état de précarité : « Nous ne pouvons intervenir que grâce à des tiers, car il faut construire du lien social avec des gens qui ne demandent rien », souligne le Dr Martin, psychiatre du secteur des Halles. « Aujourd'hui, la demande de psychiatrie est surtout sociale », constate-t-il, et les médecins doivent « traiter le problème avec d'autres, pour trouver des réponses et construire des projets ».
Relais psy au foyer Sonacotra
Parmi les nombreuses expériences évoquées au cours de la Semaine sur la santé mentale, l'équipe médico-sociale du secteur de la vallée de la Lys, près de Lille, a présenté la maison-relais « Sonacotraces ». Le foyer Sonacotra, qui accueille 150 personnes (dont une trentaine de demandeurs d'asile avec enfants), la plupart en grande souffrance mentale, a commencé par accueillir l'équipe de secteur lors de permanences informelles. « Nous n'étions pas là pour psychiatriser l'immeuble, mais pour créer autre chose », explique le Dr Christian Muller, psychiatre de secteur, qui plaide pour « une psychiatrie moderne intégrant une diversité de réponses ».
Les résidents se sont progressivement habitués à la psychologue et à l'infirmière qui tenaient les permanences : ils passaient au moins pour dire bonjour, parfois, ils s'attardaient un peu, avant de parler vraiment de leurs problèmes. Vingt-cinq sont maintenant suivis régulièrement. En 2002, la direction a mis à leur disposition un pavillon voisin, transformé en maison-relais repeinte par les patients qui refusaient les murs blancs, et qui ont réalisé une fresque et de nombreux tableaux sous la conduite d'un plasticien. Des petits déjeuners-débats y sont organisés une fois par mois avec des partenaires sociaux de la ville susceptibles d'aider à trouver des solutions ou des médecins qui proposent des bilans de santé. Sur 17 résidents accueillis dans cette structure, 13 ont pu s'intégrer en ville dans un autre logement.
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