Parce que les infections dans les suites d'une grippe peuvent jouer un rôle favorisant des complications de la maladie athérosclérotique et induire une hypercoagulation, une équipe de neurologues de l'hôpital Bichat (Paris), dirigée par le Pr Pierre Amarenco, s'est intéressée au statut vaccinal de 90 patients consécutifs de plus de 60 ans admis pour un accident vasculaire cérébral (AVC). Une étude antérieure avait suggéré un lien entre cette vaccination et la récidive d'infarctus du myocarde (« le Quotidien » du 16 mars 2000) ; un autre travail (« le Quotidien » du 8 janvier 2001) semblait confirmer l'influence de l'infection grippale sur les accidents coronariens. Les auteurs concluaient, en se fondant sur un travail expérimental effectué chez des souris, que la mise en contact avec des virus grippaux pouvait induire un déséquilibre de la balance entre les lipoprotéines plasmatiques et, de ce fait, favoriser un environnement proathérogène.
AVC ischémique
Pour leur étude, les neurologues parisiens ont inclus, pendant les saisons grippales 1998-1999 et 1999-2000, tous les patients de plus de 60 ans hospitalisés dans une unité spécialisée et présentant un tableau ischémique cérébral de plus de 24 heures, confirmé par examen scanner ou IRM. Ces patients - ou, en cas de coma, un membre de leur famille - ont répondu à un questionnaire détaillant leurs habitudes vaccinales antigrippales au cours des cinq dernières années et certains paramètres (tabagisme, diabète, hypertension, niveau socio-économique, dosage au moins une fois dans la vie du taux de cholestérol sérique, prise d'antibiotique dans les trois mois précédents) ; données comparées à celles de 180 témoins appariés pour l'âge, le sexe et les antécédents médicaux.
« Nous avons ainsi pu déterminer que les patients de plus de 60 ans présentant un tableau d'accident vasculaire cérébral étaient, au cours de la campagne immédiatement précédente, moins souvent vaccinés contre la grippe que les témoins (46,7 %, contre 59,4 % ; p = 0,036). Une tendance du même type a été décrite chez les sujets vaccinés de façon systématique au cours des cinq dernières années (41,1 % de vaccinés chez les personnes atteintes d'AVC, contre 56,1 % chez les témoins ; p = 0,017). Après ajustement pour les facteurs de risque traditionnels, ces résultats restent significatifs : baisse de 55 % du risque dans le groupe vacciné au cours de la dernière année et de 63 % dans le groupe vacciné de façon systématique au cours des cinq dernières années », explique au « Quotidien » le Pr Amarenco. Une analyse en sous-groupes a été effectuée : chez les plus de 75 ans, aucun lien entre la vaccination et l'incidence des AVC n'a pu être détecté. Or c'est cette population qui est le plus systématiquement vaccinée en France en raison de la prise en charge à 100 % du vaccin par les autorités sanitaires.
En outre, dans la population des sujets atteints d'AVC et présentant des signes de bronchite chronique, le taux de vaccination s'est révélé très faible (17 %, contre 74 % chez les témoins appariés), mais, en raison du faible nombre de patients inclus, ce taux n'atteint pas le seuil de significativité.
Il faut un essai randomisé
Les auteurs avancent que « la vaccination contre la grippe pourrait protéger contre les AVC en limitant l'incidence des infections virales et bactériennes. Elle pourrait aussi contribuer à éviter les états inflammatoires chroniques et à stimuler le système immunitaire ». Mais ils reconnaissent aussi qu' « il est impossible, au seul vu des résultats de cette étude, de conclure formellement à un effet de la vaccination sur la survenue d'accidents vasculaire car les personnes qui se font vacciner font le plus souvent partie d'un sous-groupe de sujets plus enclins à surveiller leur état de santé et à adopter un style de vie sain ».
C'est pour cette raison que l'étude cas contrôles devrait, dans les prochaines années, être complétée par un essai randomisé qui, seul, permettra de conclure à un lien entre vaccination contre la grippe et incidence des accidents vasculaires cérébraux.
« Stroke », février 2002.
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