L A listériose représente une menace potentiellement fatale surtout pour le ftus, les nouveau-nés, les personnes âgées et les personnes dont le système immunitaire est affaibli. La mortalité peut attendre 30 %. La maladie revêt plusieurs aspects, de la méningite à la maladie systémique. Chez l'adulte sain, les symptômes sont moins graves, allant de la simple gastro-entérite à la fièvre peu élevée et quelques maux de tête.
Après ingestion d'aliments contaminés (légumes crus, produits laitiers, charcuterie, plats cuisinés), la Listeria franchit d'abord la barrière intestinale, causant parfois des gastro-entérites sévères. Elle atteint ensuite la circulation sanguine et dissémine alors dans l'organisme, franchissant la barrière hémato-encéphalique pour infecter le système nerveux central, ou, chez les femmes enceintes, traversant le placenta pour infecter le ftus.
L'équipe dirigée par le Pr Pascale Cossart (Institut Pasteur, Paris) a maintenant découvert comment la bactérie traverse la barrière intestinale.
L'internaline, qui se fixe sur le récepteur E-cadhérine
Dans de précédentes études in vitro, l'équipe (Pascale Cossart et ses collaborateurs, notamment Jean-Louis Gaillard, Jérôme Mengaud et Marc Lecuit) avait constaté qu'une protéine présente à la surface de la Listeria, appelée internaline, favorise l'entrée de la bactérie dans les cellules épithéliales humaines en se fixant sur le récepteur E-cadhérine, qui est exprimé à la surface basolatérale des cellules épithéliales. L'E-cadhérine permet aussi aux cellules de former d'étroites jonctions entre elles. Il restait à examiner ce rôle de l'internaline in vivo, chez l'animal. Toutefois, la cadhérine du rat et de la souris n'interagit pas avec l'internaline, ce qui, soit dit en passant, pourrait expliquer pourquoi ces rongeurs ne peuvent être infectés par la Listeria par voie orale. « La différence entre les E-cadhérines reconnues par l'internaline et celles qui ne le sont pas, explique le Pr Pascale Cossart, tient à un seul acide aminé en position 16 de la protéine E-cadhérine. Heureusement, le cobaye produit une cadhérine "adéquate", ce qui fait de cette espèce animale un bon modèle pour étudier l'infection orale par Listeria . »
Cobaye et souris transgénique
L'équipe a donc étudié l'infection orale à Listeria chez le cobaye, ainsi que chez une souris transgénique qu'ils ont modifiée pour exprimer la cadhérine humaine au niveau intestinal. Ces deux animaux ont été infectés par voie orale soit par des Listeria sauvages, soit par des Listeria mutantes n'exprimant pas l'internaline. Tandis que la Listeria exprimant l'internaline provoque une infection mortelle chez les animaux, la Listeria mutante, dépourvue d'internaline, ne parvient pas à traverser efficacement la barrière intestinale et à envahir le reste de l'organisme. Ainsi, « l'internaline permet l'invasion des entérocytes et le franchissement de la barrière intestinale », concluent les chercheurs.
Un facteur de virulence
« L'internaline doit maintenant être considérée comme un facteur de virulence aussi important que les autres facteurs de virulence connus de L. monocytogenes , tel que la listériolysine O et l'ActA », soulignent les chercheurs.
Il reste à résoudre plusieurs questions. Notamment, comment l'internaline parvient-elle à atteindre l'E-cadhérine, relativement inaccessible, enfouie dans la bordure en brosse de l'intestin ? Plusieurs hypothèses sont suggérées par l'équipe. Autre question : l'internaline pourrait-elle jouer un rôle dans les autres étapes de l'infection ? Il est à noter que les barrières hémato-encéphalique et ftoplacentaire contiennent, elles aussi, des cellules exprimant l'E-cadhérine, mais que le rôle de l'internaline à ce niveau n'est pas connu.
De nouvelles perspectives
« Ce travail est intéressant pour plusieurs raisons », observe dans un commentaire associé le Dr Brett Finlay (University of British Columbia, Vancouver). Parmi les raisons, il cite la solide preuve indiquant « le rôle crucial joué par l'internaline dans la pénétration initiale de la barrière épithéliale intestinale ». Une des autres raisons est que ces chercheurs « sont les premiers à produire une souris transgénique qui exprime un récepteur humain pour une bactérie pathogène ». Enfin, conclut-il, « bien que la pathogenèse des infections bactériennes soit extrêmement complexe, la découverte d'un facteur de virulence fondamental est souvent suffisante pour fournir de nouvelles perspectives pour leur étude et leur traitement ».
Marc Lecuit et coll. (équipe de Pascale Cossart), en collaboration avec l'unité de biologie du développement dirigée par Charles Babinet, Jean Lefort (unité de pharmacologie cellulaire) Michel Huerre (unité d'histopathologie) et Pierre Gounon (station centrale de microscopie électronique). « Science » du 1er juin 2001, pp. 1722 et 1665.
Les recommandations
Couramment retrouvée dans le sol, la végétation et le fourrage, Listeria peut contaminer des légumes crus, des plats cuisinés prêts à la consommation ou des aliments devant être conservés au réfrigérateur tels que le fromage ou de la charcuterie.
Comme le rappelle l'Institut Pasteur, les autorités sanitaires françaises publient régulièrement des recommandations, notamment pour les personnes à risque, qui devraient éviter de consommer certains aliments comme le lait cru et les produits à base de lait cru.
« Pour les produits de charcuterie consommés en l'état (pâté, rillettes, produits en gelée, jambon, etc.), il est recommandé de préférer les produits préemballés aux produits vendus à la coupe, ces derniers devant, dans tous les cas, être consommés rapidement après leur achat. » Il est également conseillé de « bien cuire les aliments d'origine animale (viande, poissons), de laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques et de conserver les aliments crus (viandes, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés ».
Les règles d'hygiène alimentaire doivent particulièrement être respectées : « se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec des aliments non cuits, nettoyer fréquemment le réfrigérateur et le désinfecter ensuite avec de l'eau javellisée, réchauffer soigneusement les restes alimentaires et les plats cuisinés avant consommation immédiate ».
Surveillance
A l'Institut Pasteur, le Centre national de référence des Listeria est chargé de la surveillance microbiologique de la listériose humaine.
Lors d'épidémies, il participe au dispositif associant la direction générale de la Santé, l'Institut de veille sanitaire, la direction générale de l'Alimentation et la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.
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