A la suite des restrictions des dépenses publiques imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, les systèmes de santé de nombreux pays du tiers-monde se trouvent désorganisés : la fonction publique ne peut plus recruter de médecins.
Beaucoup d'entre eux se retrouvent ainsi au chômage dès leur sortie de faculté alors que les besoins de santé sont immenses.
Le paradoxe est particulièrement criant au Mali, qui dispose depuis 1969, à Bamako, d'une excellente faculté de médecine. Solution proposée par l'expert de la Banque mondiale qui s'est penché sur le sujet : fermer la faculté. Une logique contre laquelle tentent de lutter les jeunes médecins maliens et leurs professeurs. Déjà très présente au Mali depuis une dizaine d'années, l'association humanitaire marseillaise Santé Sud a décidé de les aider à développer la médecine de campagne en donnant le coup de pouce de départ à l'installation de jeunes médecins.
Au Mali, seuls les soins infirmiers avaient été mis en place par la puissance coloniale dans les zones rurales où résident pourtant 80 % de la population. Les malades qui souhaitaient voir un médecin devaient se déplacer à grand peine jusqu'à l'hôpital. En 1989, un premier médecin s'est lancé dans l'installation en brousse, puis un deuxième l'année suivante. Ils sont maintenant 62, mais le Mali compte 682 communes dans lesquelles un médecin pourrait exercer, s'il peut bénéficier de la même aide au démarrage que les précédents.
Ainsi, après avoir terminé ses études à Bamako, le Dr Maryam Sy s'est installée avec son mari médecin dans le village de Kafana, à une centaine de kilomètres de la capitale. Les habitants de cette aire sanitaire, qui compte une douzaine de villages, ont construit à leurs frais un centre de santé qu'ils gèrent eux-mêmes, ainsi qu'une pharmacie où les médicaments sont tous génériques, donc financièrement accessibles. Pour les 10 % de la population la plus pauvre, soins et médicaments sont gratuits, de même que pour les écoliers. C'est aussi le conseil des villageois qui a fixé le montant des consultations en fonction du niveau de vie de la population : l'équivalent de cinq francs français pour les patients n'adhérant pas à l'association de village, 2,5 F pour les adhérents (le revenu minimum au Mali est de 250 F). C'est lui enfin qui a passé contrat avec le couple de médecins.
Ces derniers touchent un revenu minimum complété par les consultations. Santé Sud leur a fourni le matériel médical et les médicaments essentiels pour commencer à exercer ainsi qu'un kit solaire pour un minimum d'électricité, une moto pour se déplacer dans la douzaine de villages qui dépendent de leur zone sanitaire, les a abonnés à des revues médicales et participe chaque année à un séminaire de formation continue regroupant à Bamako tous les médecins de campagne.
Le ministère de la Santé et l'UNICEF ont ajouté les vaccins et le matériel nécessaire pour maintenir la chaîne du froid. Moyennant quoi, le Dr Sy explique qu'ils assument tous les soins de leur compétence, y compris les accouchements et la « petite » chirurgie telle que les hernies, mais aussi la prévention et l'information sanitaire. Une partie de ce travail n'est pas payée à l'acte et donc totalement bénévole, mais elle entre dans le contrat passé avec les villageois. « Il faut que le centre de santé marche bien pour que l'on puisse se permettre de faire autre chose que les consultations », explique le Dr Sy. Mais comme le constate le Dr Dominique Desplats, coordonnateur de Santé Sud pour l'Afrique, dès qu'il y a un médecin, les centres sont très fréquentés, avec une moyenne de 35 actes par jour.
Désengorger les hôpitaux
Tout en permettant une médicalisation des campagnes, l'installation de médecins en centres communautaires permet aussi de désengorger les hôpitaux pour en faire des structures de second recours vers lesquelles les généralistes envoient les cas les plus graves. Le Dr Guy Fanarier, neurologue à l'hôpital Nord de Marseille et membre de Santé Sud, travaille aussi avec ces médecins pour qu'ils servent de relais efficace aux spécialistes hospitaliers auprès des épileptiques et autres malades chroniques. « La présence de médecins en zone rurale constitue un grand pas qui va se répercuter sur tout le système de santé », estime-t-il.
L'équivalent d'une consultation
Pour multiplier ces installations, les premières subventions accordées à Santé Sud par le ministère français de la Coopération et par la Communauté européenne ne suffisent pas (chaque kit d'installation revient à 53 500 F). D'où l'idée de recourir au parrainage de médecins français : chaque « parrain » verse chaque mois sur un compte réservé à l'aide aux médecins de campagne l'équivalent d'une consultation. Deux fois par an, ils reçoivent des informations sur les nouvelles installations et le suivi des installations précédentes, avec témoignages des intéressés. Un parrainage collectif qui peut se doubler de liens plus personnels avec l'un des médecins maliens, au cours d'échanges. Ainsi, le Dr Maryam Sy a partagé, dans une petite ville du sud de la Drôme, l'exercice du Dr Pascale Brottes, qui a elle-même exercé à ses côtés une quinzaine de jours de médecine de brousse.
La jeune femme africaine est particulièrement intéressée par le mode d'organisation de sa consur française, mais ce qui l'a le plus étonnée, « c'est le plan affectif : de voir comme elle est imprégnée des problèmes de santé de toute la famille », dit-elle.
Le Dr Brottes, de son côté, ne constate aucun décalage de formation médicale entre les études du Dr Sy et les siennes, si ce n'est en matière de médecine tropicale, mais elle a été ravie de découvrir des actes d'obstétrique et des actes chirurgicaux allant jusqu'à l'opération de hernies, qu'elle ne pratique pas elle-même. « Ces échanges sont d'une grande richesse sur le plan professionnel et personnel », conclut-elle. Malheureusement, Santé Sud ne peut actuellement que financer le voyage de deux médecins maliens par an. L'extension de l'opération de parrainage devrait permettre aussi de multiplier ces échanges.
Renseignements : Santé Sud, 200, bd National, Le Gyptis, 13003 Marseille, tél. 04.91.95.63.45.
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