L'ETUDE publiée sous la responsabilité de Vahakri Shahinian et coll. (Texas) est la plus importante jamais publiée sur le risque fracturaire attribuable au traitement antiandrogénique. Des patients non traités ont été inclus et comparés aux patients traités, et les variables confondantes ont été prises en compte.
Il est vrai que le nombre d'hommes traités par antiandrogènes, sous la forme d'agonistes des GRH (Gonadotrophine Releasing Hormones), est en augmentation constante. Le vieillissement de la population et/ou le dépistage plus précoce des tumeurs prostatiques ne sont pas seuls en cause. Les antiandrogènes sont plus fréquemment utilisés (dans plus de 40 % des cas à un moment donné de l'évolution, selon les observations de Shahinian et coll.).
Une maladie localement avancée.
L'efficacité a été prouvée en association avec la radiothérapie chez les patients ayant une maladie localement avancée. Dans cette indication, on a démontré une réduction de la morbidité, un effet palliatif sur les métastases et une amélioration de la survie. Les agonistes de la GRH sont de plus en plus souvent utilisés dans deux situations où l'efficacité n'est pas patente : chez les hommes ayant un cancer localisé et lorsque les PSA demeurent élevés après une prostatectomie. La plupart des patients dans ce cas sont pauci-symptomatiques et le bénéfice sur la survie n'est pas démontré.
« L'évaluation du risque fracturaire en rapport avec le traitement antiandrogénique chez des hommes souffrant de cancer de la prostate n'a pas fait l'objet d'études bien menées, comportant un groupe contrôle », se sont étonnés Shahinian et coll. On sait que les fractures osseuses sont associées à un risque accru de mortalité dans le cancer de la prostate et qu'une perte rapide de la densité minérale osseuse survient pendant les douze premiers mois du traitement de privation d'androgènes.
Les auteurs texans se sont attelés à l'ouvrage en utilisant une base de données du National Cancer Institute américain.
C'est ainsi que les dossiers de 50 613 hommes, dont le diagnostic avait été posé entre 1992 et 1997, ont été passés au crible. Le critère d'évaluation était la survenue d'une fracture, associée ou non à une hospitalisation.
Fractures associées à l'ostéoporose.
Les résultats montrent l'augmentation significative de ce risque en relation avec les antiandrogènes. Les fractures typiquement associées à l'ostéoporose sont concernées : hanche, rachis et avant-bras.
Parmi les hommes qui ont survécu au moins cinq ans après le diagnostic, 19,4 % de ceux qui ont été traités par antiandrogènes avaient une fracture, contre 12,6 % de ceux qui n'avaient pas été traités.
Après ajustement pour les caractéristiques du patient et de la tumeur, la différence devient significative au bout de douze mois. Le risque fracturaire est fonction directe du nombre des doses d'hormone reçues.
« Le risque relatif est modeste », font remarquer les auteurs. Mais il peut revêtir une grande importance sur le plan clinique, car la population à laquelle on s'adresse est constituée de patients âgés, qui ont déjà un risque fracturaire plus élevé que la moyenne.
L'augmentation très importante du recours à ce type d'hormonothérapie s'est produite au cours des années 1990. Elle a pu constituer une réponse thérapeutique devant un taux de PSA qui s'accroît. Mais « nos résultats associés à ceux de séries plus limitées montrent que le traitement n'est pas bénin », avertissent Shahinian et coll. Et que l'on doit réfléchir avant de l'utiliser dans les situations où les avantages ne sont pas manifestes.
Les recommandations actuelles américaines évoquées dans la publication indiquent que les hommes souffrant d'un cancer de la prostate et traités par antiandrogènes doivent avoir un monitorage de la densité minérale osseuse. Un traitement par les bisphosphonates est indiqué lorsqu'une ostéoporose se développe ou si une fracture survient.
« New England Journal of Medicine », 13 janvier 2004, pp. 154-164.
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