La leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) est le cancer le plus fréquent de l'enfant dans les pays développés. Plusieurs facteurs environnementaux (exposition prénatale à des radiations ionisantes, par exemple), voire le niveau socio-économique des parents, ont pu être été évoqués comme favorisant la maladie. Mais aucune cause réelle n'a jamais été retrouvée. Une équipe de chercheurs australiens a tenté d'évaluer ces facteurs de risque connus ou supposés.
L'étude a porté sur 83 enfants de 0 à 14 ans, traités pour LLA dans l'unique centre pédiatrique de référence pour ce cancer en Australie.
Des données sur la prise de fer et de folates
Ces enfants ont été appariés, selon l'âge et le sexe, à un groupe contrôle (n = 166). Dans les deux groupes, les mères ont été interrogées par une infirmière : 180 questions portant en particulier sur des facteurs de risque potentiels dans les cinq ans précédant la naissance, l'histoire de la grossesse, les événements de la vie de l'enfant pendant la période périnatale et plus tard. Des données sur la prise de fer et de folate pendant la grossesse ont été recueillies.
Une relation inverse fortement significative a été observée entre le risque de LLA (forme commune) et la prise combinée de fer et de folates pendant la grossesse. Cependant, une prise de fer seul ne réduit pas le risque (seulement deux mères ont pris du folate seul). Cela suggère que l'effet repose sur le folate et non sur le fer. Les auteurs ont été surpris par le résultat : « un déficit en folate ou en fer n'a jamais été évoqué dans la survenue de LLA, pas plus que l'effet préventif d'une supplémentation en fer ou en folate ».
Le mécanisme s'expliquerait par le rôle du folate dans le métabolisme de l'ADN : soit au niveau du processus de méthylation, soit au niveau de sa synthèse et de sa réparation. En effet, le folate est nécessaire à la synthèse du principal pourvoyeur de méthyl de l'ADN (S-adénosylméthionine). Son déficit entraîne une hypométhylation de l'ADN, une augmention du nombre de cassures dans les brins et un changement de l'expression des gènes. Sous sa forme 5,10-méthylènetétrahydrofolate, il est également un pourvoyeur de méthyls dans la formation de thymidilate à partir du deoxyuridilate. Un déficit rompt l'équilibre de ces précurseurs de l'ADN : l'uridine peut prendre la place de la thymine. Les enzymes de réparation agissent alors, mais leurs interventions répétées déstabilisent l'ADN, provoquant des aberrations chromosomiques et des transformations malignes.
De tels mécanismes ont été déjà décrits chez l'homme lors d'études sur les effets, dans le risque de cancer, du polymorphisme touchant le gène codant la méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHFR). La forme C677T (substitution d'une thymine par une cytosine sur le nucléotide 677) entraîne chez les homozygotes une demande accrue de folate. La prévalence de LLA est plus élevée dans les populations où ce type de polymorphisme est fréquent : chez les Hispaniques (20-25 %). Quand elle est faible, comme chez les Afro-Américains (8-18 %) ou les Africains (0 %), la LLA l'est également.
Des résultats contradictoires
Cependant les auteurs notent qu'un effet protecteur du polymorphisme en C677T a parfois été décrit dans les leucémies de l'enfant et de l'adulte. Ces résultats contradictoires peuvent résulter de la dépendance des effets du polymorphisme sur la carcinogenèse par rapport aux apports alimentaires en folate. Lorsque la concentration sanguine en folate est suffisante, l'activité réduite de la réductase peut conduire à l'augmentation de la capacité du 5,10-méthylènetétrahydrofolate à synthétiser la thymidylate ; moins d'uracile est incorporé et le risque de cancer diminue. En cas de régime pauvre en folate, les effets délétères de l'hypométhylation de l'ADN contrebalancent les effets bénéfiques de l'augmentation en 5,10-méthylènetétrahydrofolate. Dans l'étude, la diminution du risque ne dépendait ni du moment de la supplémentation ni de sa durée. Selon les auteurs, les folates pourraient bien protéger contre d'autres cancers.
Judith R Thompson et coll., « Lancet » vol. 358, 8 décembre 2001.
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