NEUF CENT SOIXANTE-SEIZE PAGES et 50 spécialistes pour « guérir les souffrances familiales ». L'ouvrage* publié en avril dernier par le centre de thérapie familiale Monceau sous la direction de Pierre Angel et Philippe Mazet mérite bien le qualificatif de « somme » tant sont variées les contributions à la psychopathologie familiale qui le composent. A la suite de cette publication, le centre Monceau a organisé à Paris un colloque avec une quinzaine d'auteurs. Parmi les thématiques retenues pour la journée : « Des familles plus vulnérables que les autres ? ».
Si beaucoup de choses ont été écrites sur les familles monoparentales et recomposées, l'examen révèle qu'il s'agit essentiellement d'enquêtes sociologiques et pour la plupart non comparatives. « En France, il n'y a pas de recherche quantitative factuelle en psychologie, regrette Michel Moral, psychologue clinicien. Alors que, aux Etats-Unis, on en compte des milliers depuis une dizaine d'années. » Suffisent-elles à montrer que ces familles sont plus fragiles ? Rien n'est moins sûr si l'on en croit Michel Moral : « Les études américaines ont apporté des résultats contradictoires et flous. Malgré une montagne de résultats, nous n'avons pas de données précises et rien ne permet d'affirmer qu'elles sont plus vulnérables que les familles nucléaires. »
En revanche, rien ne permet de douter qu'une maladie grave qui touche un membre de la famille affecte également les autres. A fortiori lorsqu'il s'agit d'une maladie génétique. « La maladie génétique n'est pas une maladie comme les autres car elle se situe à l'articulation entre la transmission biologique et la transmission psychologique », explique Philippe Mazet, chef de service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, à la Salpêtrière (Paris). Parce que le diagnostic d'une maladie génétique a des conséquences à court et à long terme, il faut savoir « être sensible aux interactions familiales pour prendre en charge toute la famille d'un patient ».
C'est aussi avec l'idée d'une transmission qu'il faut analyser les interactions qui entrent en jeu chez les familles survivantes d'un génocide. « Tout survivant ou descendant de survivant d'un génocide est condamné à une transmission à perpétuité », explique Régine Waintrater, psychanalyste et maître de conférence en psychopathologie à Paris-VII. Dans ces familles de survivants, formées par un hasard incompréhensible, chaque membre vit dans l'ombre de la perte et du deuil. S'ensuivent des difficultés de différenciation, des difficultés à exprimer ou moduler les affects, une anxiété chronique. « Ces familles vivent continuellement dans la crainte d'une nouvelle rupture catastrophique », ajoute Régine Waintrater. Pour ces survivants, une phase de témoignage est un préalable à toute thérapie.
* « Guérir les souffrances familiales », de Pierre Angel et Philippe Mazet, paru en avril 2004 aux PUF, 976 pages, 45 euros.
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