De notre correspondant
Une quarantaine d'experts en virologie et biosécurité du monde entier, dont les directeurs des huit laboratoires de virologie de haute sécurité P4, ont passé trois jours enfermés dans un hôtel de luxe de Lyon, sous l'égide de l'OMS et avec le soutien de la fondation Mérieux.
Ils avaient pour mission d'ausculter toutes les données scientifiques actuelles sur l'ensemble des prélèvements biologiques, produits et autres fluides d'origine humaine qui circulent quotidiennement dans le monde, notamment à des fins de diagnostic, et de rédiger des recommandations précises, après discussion, pour adapter les règles de biosécurité à leur transport (par route, rail, ou air), en fonction des différents niveaux de risque. Programmée depuis des mois, cette réunion n'avait rien à voir avec les préoccupations actuelles liées au bioterrorisme, sinon par un aspect : celui de la psychose ou des peurs irraisonnées que peut entraîner - chez le transporteur professionnel - la proximité d'un produit viral ou biologique dangereux.
Les conclusions de cette expertise collective, rédigées, revues et validées d'ici à décembre, seront reprises en 2002 par l'ONU, qui édictera alors de nouvelles règles internationales de transport. Car il y a des années que cette réglementation n'a pas évolué, résume le Dr Diego Buriot, directeur du bureau de Lyon de l'OMS. Or, si la rapidité du transport d'un prélèvement constitue dans bien des cas une nécessité de santé publique, elle peut être entravée - c'est le cas aujourd'hui - par des textes devenus obsolètes, inadaptés, susceptibles d'interprétations diverses, ou encore insuffisamment sévères.
A ce maquis des textes s'ajoute l'absence de communication entre médecins, biologistes, transporteurs et administrations diverses et variées de la santé, qui a fait prendre du retard aux normes internationales par rapport à la réalité et des pratiques et des connaissances. Seule l'OMS pouvait jouer ce rôle de conseil et de médiateur entre toutes les parties. « L'inadaptation, le retard et l'absence de clarté des textes est très préjudiciable, parce qu'il peut arriver que selon le pays ou le transporteur, chacun finisse par les adapter plus ou moins à sa façon », explique le Dr Nicoletta Previsiani, chargée du dossier au siège de l'organisation mondiale, à Genève.
Dans le transport aérien, par exemple, le phénomène le plus parlant est celui des aéroports, ajoute-t-elle : « Il suffit que le document d'identification d'un prélèvement biologique présente une erreur de virgule pour que le colis reste bloqué dans un coin de l'aéroport deux ou trois jours, voire plus, et que le prélèvement soit donc périmé. »
En outre, toutes les compagnies aériennes n'ont pas mis sur pied des plans de formation systématique et approfondie de leurs personnels en matière de biosécurité, affirme Kristel Vermeersch, chargée de la biosécurité à la Sabena, à Bruxelles. « C'est donc également pour lutter contre les phénomènes de psychose ou de peur irrationnelle chez les professionnels du transport que la réglementation doit être enfin dépoussiérée. Nous espérons que ce dépoussiérage entrera dans les pratiques d'ici à un an. »
Emballages
L'exemple des emballages est édifiant. Aujourd'hui, deux types d'emballages sont utilisés pour le transport des produits biologiques dangereux. Cette classification pourrait être revue et corrigée par les experts. Le premier, qui doit répondre à certains critères stricts de sécurité (chutes, risques de pénétration), est réservé aux pires virus, de type Ebola par exemple : c'est celui qui est utilisé dans les avions venus d'Afrique transportant les prélèvements en direction du CDC d'Atlanta ou du laboratoire P4 de Lyon. Schématiquement, il est constitué de trois épaisseurs entourant le prélèvement proprement dit, lui-même étant ceinturé d'une épaisse couche d'un matériau absorbant.
Le second emballage, plus fréquent, est utilisé pour les produits de diagnostic courant, de type hépatites. « Ce deuxième type d'emballage est-il bien adapté à certains prélèvements dont on sait qu'ils ne comportent quasiment aucun risque de contamination ? », se demande le Dr Previsiani, qui pose la même question pour le VIH. Cette remise à plat de l'ensemble des textes s'impose au niveau mondial et elle est urgente et nécessaire, conclut-elle, « sachant que la problématique est complexe, car il faut à la fois s'assurer des critères de sécurité et préserver la nécessaire rapidité des transports des produits biologiques de diagnostic d'une ville, d'un pays ou d'un continent à l'autre ».
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