LE CINQUIEME colloque organisé par le département pédagogique de la Cité de la musique et l'association Musique et Santé sur la musique à l'hôpital était plus particulièrement centré sur l'adolescence. Privé de la présence du ministre de la Culture, ministre de tutelle de l'établissement, sous prétexte préélectoral, pour la première fois de son histoire, ce colloque très vivant et parfaitement animé par ses organisateurs a largement rempli les attentes des participants venus de la France entière et de Grande-Bretagne.
Sachant qu'un enfant sur deux effectue un séjour à l'hôpital avant l'âge de 15 ans et que la limite légale de la pédiatrie hospitalière en France est de 15 ans et 3 mois, Michel Fize, sociologue au Cnrs, a d'emblée magistralement défini la période de l'adolescence. Communauté de 6 à 10 millions d'âmes dans notre pays, les adolescents se définissent plus précisément par une culture que par l'âge, la puberté ou une tranche scolaire, généralement les années de collège qui sont celles de « l'aventure adolescente ».
La musique, noyau dur de la culture adolescente.
Dans cette culture adolescente, universelle, dépassant les limites géographiques et les distinctions sociales, la musique constitue un noyau dur, plus important que les pratiques sportives urbaines ou les distinctions vestimentaires ou de langage. Si le sociologue situe le début de cette période charnière vers 10 ans (CM2-6e pour la tranche scolaire), il insiste sur le fait qu'être adolescent est « un sentiment de se sentir comme tel » et incite à sortir de l'idée convenue de « crise adolescente ».
Marc Guerrier, médecin pédiatre de l'espace éthique AP-HP, a insisté sur la grande singularité de la réponse de l'adolescent à l'hospitalisation et sur la notion, présente dans le code de santé publique, de leur participation à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée à leur degré de maturité.
Claude Bursztejn, psychiatre du CHU de Strasbourg, a souligné la nécessité d'une bonne dose de créativité pour soigner des adolescents en psychiatrie, du fait de leur grande méfiance envers les soignants, considérés comme des représentants du monde adulte, source de leur souffrance. D'où la nécessité et l'importance de la présence de médiateurs et d'activités ludiques pour que le rapport s'établisse avec l'équipe soignante et lui permette de trouver la bonne distance relationnelle et pour que l'adolescent puisse restaurer une image de soi mise à mal par les échecs scolaires.
Des ponts entre les espaces psychiques.
Plus que d'autres activités, par la place psychique qu'elle occupe dans notre organisme, la musique jalonne notre vie et crée des ponts entres les « espaces psychiques » grâce à son grand pouvoir de remémoration. A côté de son rôle dans la musicothérapie, la musique a aussi sa place dans la vie courante de l'hôpital. Le psychiatre a insisté sur les effets étonnants obtenus à Strasbourg par la création d'une chorale, pour la levée des inhibitions dans les rapports sociaux, et d'ateliers centrés sur des chansons, pour l'expression de problématiques personnelles difficiles à évoquer au cours de thérapies traditionnelles.
Toutes ces interventions théoriques étaient nécessaires avant la seconde partie de la journée, consacrée aux expériences réalisées par l'association Musique et Santé (voir encadré). Et les participants ont pu concrètement percevoir le pouvoir de détente et de convivialité de la musique grâce aux interventions du musicien Dédé Saint-Prix, jouant avec talent de la puissance symbolique des onomatopées et du rythme lors d'intermèdes entre les communications.
Les interventions de Philippe Bouteloup, musicien et directeur de Musique et Santé, de Rémy Jounin, animateur de Radio-Trousseau - radio locale dont les enfants hospitalisés sont les intervenants, « outil parathérapeutique » facilitant l'élocution de ceux qui ont des problèmes d'image et d'expression en public - et de Patrick Alvin, chef de médecine adolescente au CHU Kremlin-Bicêtre, ont convaincu, même si le résultat de ces actions musicales n'est pas quantifiable.
Beaucoup plus parlante, l'expérience du CHU de Nice, qui a accepté l'idée de Musique et Santé de la présence « en résidence » de musiciens en milieu hospitalier pendant des périodes courtes mais répétées, a été relatée par un film très convaincant présenté par Jean-Jacques Romatet, directeur de ce CHU. La présence des musiciens tout au long de ce colloque, outre les interventions musicales de blues de Jean-Jacques Milteau et de Steve Waring, acteurs entre autres de l'expérience niçoise, apportait une dimension concrète aux dires théoriques.
Le problème du budget.
De plus en plus fréquente, la nomination de responsables culturels dans les hôpitaux permet, a expliqué Karine Delanoë-Vieux (hôpital du Vinatier, Lyon), la réalisation de ces projets qui nécessitent la coordination de nombreux participants, ne serait-ce que pour en réunir les budgets. Le budget est évidemment le point sensible de tout cet édifice et çà et là, dans l'assistance, des voix ont quelque peu teinté de gris l'euphorie de ces présentations, annonçant de symptomatiques fermetures de chorales ou la révision de projets déjà engagés. Était-il vraiment nécessaire que ce colloque s'achève par l'intervention de deux fonctionnaires des ministères partenaires, la Santé et la Culture ? Ils ont rappelé d'emblée qu'en période de crise la culture est peu prioritaire et ont éteint, à grand renfort de chiffres et de phrases creuses, un enthousiasme que les présentations filmées avaient mené à un paroxysme inhabituel dans ce genre de réunion.
Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris, tél. 01.44.84.45.00, www.cite-musique.fr. Les actes du colloque seront publiés avant l'été.
L'association Musique et santé
Née de la rencontre et de la collaboration entre des musiciens et des professionnels de la santé et de la culture, l'association Musique et santé est parrainée par le Dr Marcel Rufo, pédopsychiatre et chef de service à Marseille. Association loi 1901 dirigée par le musicien Philippe Bouteloup, elle a pour but principal de développer des projets musicaux et artistiques dans le secteur de la santé et du handicap. Par le biais de formations et de stages, elle permet la formation et le perfectionnement de personnels du secteur de la santé et du handicap ainsi que des artistes souhaitant s'y impliquer. Ses activités ne se résument pas aux actions dans les domaines de l'enfance et de l'adolescence, thème de ce colloque et des précédents, elle œuvre aussi dans d'autres secteurs, comme la gériatrie, la maternité et la néonatalogie. Parmi ses projets, le développement d'un réseau européen et de jumelages « culture à l'hôpital » dans plusieurs villes françaises.
Plusieurs publications rendent compte de l'activité de cette association soutenue par les ministères de la Culture et de la Santé, la Caisse des dépôts et consignations, les fondations Roche, Bayer Santé, Air France, Suez et le fonds d'action Sacem.
Musique et Santé, 9, passage Saint-Bernard 75011 Paris, tél. 01.55.28.81.00,www.musique-sante.com et musique-sante@wanadoo.fr
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature