« Nul ne peut ignorer aujourd'hui l'émergence d'une souffrance psychique invalidante qui touche les personnes en situation de précarité et parallèlement une précarisation croissante des malades mentaux », souligne Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la Lutte contre la précarité et l'exclusion. C'est pourquoi elle a confié au Pr Philippe-Jean Parquet (Lille) une réflexion sur les mesures à mettre en uvre dans le cadre du programme national de lutte contre l'exclusion lancé en mars (« le Quotidien » du 27). Le rapport du groupe de travail, « Souffrance psychique et exclusion sociale », lui a été remis hier.
Constatant « l'extrême désarroi des acteurs sociaux et sanitaires face à la souffrance psychique », le rapport relève le manque de collaboration entre les uns et les autres mais aussi un désarroi commun : « Le travail social dit ne pas pouvoir être efficace à cause des pathologies des personnes qu'ils rencontrent. Inversement, les psychiatres se disent limités dans les soins par les difficultés sociales. » D'où des recommandations pour promouvoir une articulation entre les chaînes sanitaires et sociales, avec des modifications à l'intérieur de ces chaînes, en particulier des solutions posthospitalisation.
Le pivot du dispositif pourrait être dans chaque département un réseau santé mentale précarité (RSMP), intégré dans les structures existantes, et une équipe mobile. Le réseau comprendrait cinq ou six personnes : psychologue, infirmier psychiatrique, éducateur spécialisé, assistant social, secrétaire médico-sociale, « sans oublier un temps partiel de médecin, psychiatre de préférence, ou à défaut généraliste ». Il aurait trois fonctions : action directe auprès des personnes précarisées, formation des professionnels sociaux, dynamisation du réseau et stimulation des institutions et des décideurs. Le financement pourrait venir de quatre sources : contribution de la psychiatrie publique, redéploiement à l'initiative des ARH, contribution du PRAPS (programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins), enveloppe réseaux dans le cadre de l'ONDAM.
Lits de repos
La deuxième mesure recommandée est la mise en place de lits de repos à orientation psychosociale. Il s'agirait en fait de l'extension au psychosocial des lits d'infirmerie somatiques mis en place en 1993, avec une consultation médicale ouverte tous les jours et du personnel soignant présent jour et nuit 365 jours sur 365. Ces lits qui doivent être dans un environnement hospitalier fonctionnent en réseau avec d'autres services, en particulier urgences et secteur psychiatrique. Ils ont fait la preuve de leur utilité et de leur intérêt économique : selon une étude réalisée en 1994, pour 160 personnes admises, une économie de 435 journées d'hospitalisation a été réalisée. Le rapport Parquet propose dans un premier temps la création de 150 places de lits de soins infirmiers avec hébergement à orientation psychosociale avec pour vocation l'accueil, l'observation et la réhabilitation thérapeutique de patients psychiatriques très désocialisés. Ces lits pourraient être financés par convention avec l'assurance-maladie avec un financement à la place - le coût à la place des lits infirmiers somatiques est évalué à 57,4 euros par jour.
Le rapport suggère également, troisième mesure, le développement de la prise en charge des personnes présentant une souffrance psychique au sein des maisons-relais (1 000 places doivent être créées sur cinq ans), qui offrent aux personnes en grande précarité un logement durable et un suivi. Des conventions avec les secteurs psychiatriques ont déjà été passées par certaines.
Le développement de la recherche clinique dans cette population est une autre recommandation, moins concrète, du rapport. De même que le développement des activités de soutien et de formation auprès des travailleurs sociaux et des acteurs de la santé mentale. Enfin, pour le groupe de travail, il faut renforcer la prise en charge des conduites addictives des exclus et des précaires, une prise en charge qui doit être spécifique.
« Je souhaite, avec Jean-François Mattei, mettre en place ces dispositifs permettant de mieux prendre en charge des personnes en très grande souffrance », dit Dominique Versini en présentant le rapport. « Une politique en ce domaine repose tout autant sur la tentative de répondre aux besoins et attentes que sur l'idée que l'on se fait de l'homme et de la société », conclut pour sa part le Pr Parquet.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature