Deux à trois millions de mineurs dans le monde seraient victimes d'exploitation sexuelle à des fins commerciales, selon des estimations qui évaluent à un million par an le nombre de nouveaux arrivants sur le marché.
L'offre est évidemment à la mesure d'une demande « malheureusement forte » : il y aurait 200 000 clients dans le monde pour ce commerce illégal, « le troisième après la drogue et les armes, ce qui en dit l'ampleur », indique le président du Comité français pour l'UNICEF, Jacques Hintzy, à la veille de l'ouverture du 2e Congrès contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.
Gouvernements, organisations non gouvernementales (ONG) et sociétés civiles sont attendues pour quatre jours (du 17 au 20 décembre) à Yokohama, au Japon, à l'initiative du gouvernement japonais et d'autres coorganisateurs (UNICEF, ECPAT International et le groupe d'ONG pour la convention relative aux droits de l'enfant).
A cette occasion, le Comité français pour l'UNICEF présente un sondage IPSOS sur la prostitution enfantine selon lequel 99 % des Français jugent le tourisme sexuel « inacceptable » quand les relations ont lieu avec les enfants. La majorité des Français (98 %) préconisent de réprimer sévèrement le tourisme sexuel qui, pour eux, est clairement associé à l'enfance.
A Yokohama, cinq ans après le premier congrès consacré à l'exploitation sexuelle des enfants (août 1996 à Stockholm, en Suède), il s'agira de dresser un bilan des progrès accomplis. Selon l'ONG ECPAT (End Child Prostitution and Trafficking), vingt pays ont engagé de « sérieux efforts », plus de quarante ont « fait des efforts », mais une soixantaine n'ont rien fait.
Aux Philippines, 100 000 personnes sont impliquées dans la prostitution en 2000 et sont toutes initiées entre 10 et 18 ans. Au Mexique, on estime à 16 000 le nombre d'enfants prostitués. Aux Etats-Unis, 104 000 enfants sont victimes de maltraitance sexuelle chaque année. « La souffrance morale de certains enfants victimes d'agressions sexuelles ne les quitte plus jusqu'à l'adolescence ou l'âge adulte. On a pu montrer que ces victimes d'agressions sexuelles (...) ont perdu toute confiance en leur propre valeur (...) . Elles poursuivent souvent une relation où il y a également violence », lit-on dans le rapport de l'UNICEF, précédant l'ouverture du congrès.
Education et prévention
La nécessité de sortir ces enfants des réseaux de prostitution et de les aider à se réinsérer dans une vie « normale » est évidente. A ce titre, la Thaïlande, où l'on estime pourtant à 40 000 le nombre d'enfants prostitués, soit 15 % des prostitués, figure parmi les pays les plus performants. Alain Grumberg, directeur de l'information du Comité français pour l'UNICEF, explique ainsi au « Quotidien » que la Thaïlande « s'était déjà mobilisée avant Stockholm ».
Avec l'aide de l'UNICEF notamment, les autorités publiques ont mis en place des programmes d'éducation et de prévention, surtout dans les régions du nord et du nord-est de la Thaïlande, des régions pauvres qui, pour cette raison, fournissent la plupart des petits prostitués. Dans ces centres qui accueillent des enfants « à risque », travailleurs sociaux, personnel paramédical, médecins, policiers, font de la prévention et du soin. « C'est une éducation de l'enfant d'abord. De la famille ensuite, quand on décèle un problème. En Thaïlande, l'enfant naît dans la reconnaissance de ses parents. Il est redevable d'avoir été nourri. Donc, il travaille. En clair, il se prostitue », schématise Alain Grumberg. Le travail de fourmi des autorités publiques et des ONG porte ses fruits, à pas lents. Mais à Yokohama, on dressera l'inventaire des principaux problèmes s'érigeant contre la protection des enfants. « L'ampleur de l'offre, toujours », relève Alain Grumberg, citant Pataya (Thaïlande), « bordel à ciel ouvert où l'on trouve sans problème des gamins de 8 ou 9 ans.
Aux difficultés récurrentes s'ajoutent de nouveaux défis, dont l'infection par le VIH.
« Une image déformée du VIH/SIDA a entraîné, dans certaines parties du monde, une augmentation de la demande de partenaires sexuels jeunes, notamment de très jeunes enfants, souligne l'UNICEF . Outre l'idée erronée selon laquelle les enfants risquent moins de contracter et de transmettre le VIH/SIDA, on rencontre, dans certains pays d'Asie, des mythes traditionnels au sujet des pouvoirs rajeunissants de la jeunesse. »
Selon l'ONG, le mythe conduirait même à penser que les pouvoirs « rajeunissants » de l'enfant peuvent littéralement guérir le VIH/SIDA. Pourtant, les enfants, pris au piège de la prostitution, sont plus vulnérables à l'infection : « Leur corps étant en plein développement, ils sont à la fois moins capables de résister à la domination sexuelle et plus vulnérables aux lésions causées par l'agression », lit-on dans le rapport. D'autant que des enfants signalent qu'on leur impose de 10 à 12 clients par jour. « Les conditions le plus souvent lamentables dans lesquelles les enfants sont maintenus réduisent encore leur capacité de s'opposer à la force ou de renforcer leur résistance à l'infection, dénonce l'UNICEF . Outre les mauvaises conditions de vie signalées dans de nombreux bordels, certains enfants sont privés de nourriture et d'eau, d'air frais et de soins médicaux. »
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