DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’HOMME, dont la fécondité semblerait aujourd’hui menacée, pourrait-il un jour partager le triste sort des alligators du lac Apopka en Floride ? Certainement pas dans l’immédiat, puisque l’on sait qu’une pollution massive de ce lac par des insecticides organochlorés dans les années 1980 est responsable de l’extinction de ces crocodiles. Toutefois, le rôle de différents produits présents dans l’environnement et l’alimentation, qui agiraient à doses infinitésimales sur la fertilité masculine comme sur le développement des fonctions endocriniennes de l’enfant ou l’évolution du diabète de type 1, mérite sérieusement d’être discuté. C’est ce que souligne l’Association des endocrinologues diabétologues libéraux de la région Rhône-Alpes (Adelra), qui a choisi ce thème pour son 11e Symposium de formation*.
S’il existe de nombreux exemples d’altération de la fonction de reproduction d’origine toxique chez l’homme, liés au 1,2-dibromo-3-chloropropane (Dbcp) ou au diéthylstilbestrol, pour ne citer qu’eux, «l’hypothèse des perturbateurs endocriniens découle du rapprochement entre l’augmentation de diverses anomalies comme la cryptorchidie ou les troubles de la spermatogenèse et la nature des molécules incriminées dont les structures et les propriétés biologiques leur permettent d’interagir avec les récepteursaux stéroïdes sexuels», rappelle le Pr Michel Pugeat**. Parmi les molécules qui pourraient être incriminées figurent certains dérivés du plastique, tels que le bisphénol-A et les phtalates, mais également des pesticides comme le Dbcp, des résines, ainsi que des détergents contenants certaines dioxines.
Toxicité à faibles doses.
Les doses délétères varient selon les molécules, mais «des études ont permis de démontrer la toxicité du bisphénol-A sur la production spermatique des souris, à très faibles doses», poursuit Michel Pugeat. En Rhône-Alpes, la région d’Oyonnax, fief de la plasturgie française, pourrait constituer un site d’étude privilégié. «Il a été constaté que de nombreux jeunes travailleurs d’origine turque, employés dans cette région, avaient une fécondité diminuée», indique le Dr Pierre Sérusclat, endocrinologue et président de l’Adelra. Pour son confrère, Michel Pugeat, «il faudrait donc pouvoir effectuer des dosages et mesurer le taux de contamination dans la population».
Mais les crédits de recherche sembleraient plutôt consacrés aux grandes études épidémiologiques, qui ont besoin de beaucoup de temps pour conclure. Certains spécialistes n’émettent plus aucun doute quant au rôle joué par les perturbateurs endocriniens, notamment en termes d’augmentation de la fréquence des endocrinopathies de l’enfant. C’est le cas du Pr Charles Sultan, chef du service d’endocrinologie au CHU de Montpellier.
Les débats s’annoncent engagés, à l’image de l’Adelra, qui mène plusieurs combats de front depuis sa création il y a vingt ans, notamment pour une meilleure prise en charge du diabète et de l’obésité, mais aussi pour que «l’action éducative», exercée quotidiennement par les endocrinologues libéraux, soit enfin reconnue.
* « Hormones, métabolisme et environnement », Espace Tête d’Or à Villeurbanne. Rens. : scp.dr@wanadoo.fr.
** Endocrinologue, hôpital Debrousse à Lyon, unité Inserm-Ermo 322.
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