De notre correspondante
à New York
LES PREMIERS six à douze mois après un infarctus du myocarde (IdM) constituent une période à risque particulièrement élevé de décès par arythmie. La question se pose donc chez tous les patients en insuffisance ventriculaire gauche (IVG) sévère après un infarctus de l'intérêt d'une défibrillateur implantable. Ce sujet est considérablement débattu d'autant que le traitement est coûteux et que l'on s'interroge sur son rapport coût/efficacité.
Dinamit (Defibrillator in Acute Myocardial Infarction Trial) est une étude comparative randomisée, démarrée en 1998, conçue pour évaluer si l'implantation prophylactique d'un défibrillateur pourrait réduire la mortalité chez les survivants d'un infarctus du myocarde récent à haut risque d'arythmie ventriculaire.
Entre 6 et 40 jours après l'IdM, 674 patients ont été enrôlés. Tous présentaient non seulement une IVG sévère (fraction d'éjection ventriculaire gauche inférieure à 0,35), mais également une dysfonction cardiaque autonome.
Après tirage au sort, une moitié environ ont reçu un défibrillateur (n = 332), l'autre moitié servant de témoin (n = 342). Tous les patients bénéficiaient d'un traitement médical conventionnel optimisé (incluant bêtabloquant, IEC, aspirine et hypolipémiant).
Hohnloser (université Goethe, Frankfort, Allemagne) et coll. publient les résultats de cette étude internationale (73 centres dans 12 pays).
Durant un suivi moyen de trente mois, la mortalité globale, premier critère jugé par cette étude, n'a pas été différente entre les deux groupes de traitements : 62 dans le groupe défibrillateur, contre 58 dans le groupe témoin (RR de décès de 1,08 ; IC 95 % : entre 0,76 et 1,55).
Causes non arythmiques.
En effet, bien que la mortalité par arythmie soit considérablement réduite dans le groupe défibrillateur (1,5 % par an, contre 3,5 % dans le groupe témoin), cet effet est annulé une hausse de la mortalité de causes non arythmiques (6,1 % par an, contre 3,5 % dans le groupe témoin). Les décès de causes non arythmiques dans le groupe défibrillateur sont en majorité d'origine cardiaque (78 %).
Ces résultats s'opposent à ceux de plusieurs études, dans lesquelles le défibrillateur, comparé au traitement médical, réduisait la mortalité dans d'autres populations à risque ayant une ischémique cardiaque. Les caractéristiques des patients dans ces études de prévention primaire différaient en des points importants. Ainsi, dans l'étude Madit I et II (Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trials) et l'étude Mustt (Multicenter Unsustained Tachycardia Trial), les patients ont été recrutés plus d'un an après l'infarctus du myocarde et la fonction cardiaque autonome n'a pas été évaluée.
Une exception est l'étude Cabg Patch (Cabg pour Coronary Artery Bypass Graft) qui a évalué l'intérêt du défibrillateur au moment du pontage coronarien chez les patients présentant une cardiopathie ischémique avec IVG. Elle n'a pas retrouvé d'amélioration de la survie apportée par le défibrillateur, ce qui démontre l'importance de la revascularisation en prévention de la mort subite.
Comment expliquer les résultats inattendus de l'étude Dinamit ?
Dysfonction cardiaque autonome.
L'explication la plus probable, selon les investigateurs, est que les patients « sauvés » du décès par arythmie, grâce au défibrillateur, sont également à haut risque de décès par autres causes cardiaques. Comme l'observe dans un éditorial le Dr Anne Gillis (Alberta Heritage Foundation for Medical Research), il est possible que la présence de marqueurs de dysfonction cardiaque autonome sélectionne une cohorte à haut risque de décès par insuffisance cardiaque progressive. Ainsi, même si les tachycardies ventriculaires soutenues surviennent et sont correctement traitées, les patients décèdent ultérieurement d'insuffisance cardiaque.
Le Dr Gillis note cependant deux autres explications qui ont pu jouer également un rôle. L'étude Dinamit a évalué l'efficacité du défibrillateur peu de temps après l'IdM, or le traitement médical actuel (optimisé) retarde le remodelage ventriculaire délétère qui contribue à la mort subite d'origine cardiaque. En conséquence, les bénéfices du défibrillateur pourraient être retardés de plusieurs mois, voire plusieurs années, après l'infarctus. Ensuite, durant l'étude, un plus grand pourcentage de patients dans le groupe témoin ont subi une intervention de revascularisation (15 %, contre 10 % dans le groupe témoin).
« Sur la base des résultats de Dinamit, et des précédents résultats de l'essai Cabg Patch, l'implantation systématique d'un défibrillateur ne peut être recommandée pour tous les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche après infarctus du myocarde, conclut le Dr Gillis. Le traitement doit être individualisé en fonction du risque de mort subite cardiaque et du risque de décès d'autres causes. »
La dysfonction autonome peut être facilement mesurée en pratique clinique (Holter) afin d'identifier les patients peu susceptibles de bénéficier du défibrillateur. Le futur défi sera d'identifier de meilleures techniques pour stratifier le risque afin de distinguer ceux qui ont le plus de chances de bénéficier du défibrillateur.
« New England Journal of Medicine », 9 décembre 2004, pp. 2481, 2540 et 2542.
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