De notre correspondante
à New York
EN FRANCE, la grande prématurité concerne aujourd'hui 1,6 % des naissances, soit, chaque année, près de 12 800 enfants nés avant la 32e semaine de gestation. Même si le problème de la survie des grands prématurés est maintenant mieux maîtrisé, l'immaturité des grandes fonctions physiologiques (respiration, digestion, circulation sanguine) à la naissance engendre un risque accru de complications neurologiques et de déficits moteurs, sensoriels et/ou cognitifs.
La libération endogène du monoxyde d'azote (NO) joue un rôle clé dans de nombreux systèmes de l'organisme et son déficit perturbe le développement du système respiratoire. On a donc suggéré que le monoxyde d'azote administré en inhalation chez le grand prématuré pourrait protéger le système respiratoire et le système nerveux central durant une phase cruciale du développement.
Une étude randomisée, contrôlée par placebo, réalisée il y a un an et demi à l'université de Chicago, a montré que le traitement par NO inhalé (pendant sept jours ou jusqu'à extubation) chez des prématurés en détresse respiratoire réduit de manière significative le risque de décès et de maladie pulmonaire chronique (de 24 %). La cohorte étudiée (n = 207), née en moyenne à 27 semaines de grossesse, était modérément malade (« New England Journal of Medicine », 2003, Schreiber et coll.).
Le suivi de cette étude vient d'être publié par la même équipe. Mestan et coll. ont évalué le développement neurologique de 138 enfants, soit 82 % des survivants, à l'âge de 2 ans (âge corrigé). Les résultats sont impressionnants : dans le groupe traité par monoxyde d'azote, presque deux fois moins d'enfants présentent à l'âge de 2 ans des problèmes neurologiques, à savoir un retard ou une infirmité (infirmité motrice cérébrale, cécité bilatérale ou surdité bilatérale) (24 % contre 46 %).
Baisse du risque de déficit cognitif.
Cette amélioration du développement neurologique dans le groupe traité est principalement due à une baisse de 47 % du risque de déficit cognitif.
« Non seulement le monoxyde d'azote prolonge la vie dans un large groupe de nouveau-nés prématurés, il améliore également la qualité de vie des enfants et de leurs parents », observe le Dr Michael Schreiber, professeur en pédiatrie à l'université de Chicago, qui a dirigé l'étude. « Ces résultats sont très satisfaisants. En dépit de tout ce que nous avons essayé en néonatalogie, aucun traitement n'a jamais amélioré la fonction cognitive. Des bébés nés à 2 livres n'ont que 50 % de chances à l'âge de 2 ans d'être considérés totalement normaux - à savoir sans infirmité motrice cérébrale et avec un QI normal. Nos résultats montrent que la thérapie par monoxyde d'azote augmente significativement le pourcentage de bébés présentant un développement normal. »
Il reste à préciser le mécanisme de cet effet bénéfique. De plus, des études supplémentaires sont nécessaires, notamment pour déterminer la dose et la durée optimales du traitement. Les investigateurs envisagent de suivre ces enfants jusqu'à l'âge de 5 ans.
Très petits poids.
Une autre étude, multicentrique, rapporte des résultats dans l'ensemble négatifs. L'étude, dirigée par le Dr Van Meurs, pédiatre à l'université de Stanford (Californie), porte sur 402 prématurés nés à moins de 34 semaines de gestation, avec un poids de naissance compris entre 401 et 1500 g, et présentant une détresse respiratoire plus de quatre heures après administration du surfactant. Comme dans la précédente étude, les prématurés ont été randomisés à recevoir soit le placebo (inhalation simulée), soit le monoxyde d'azote inhalé (de 5 à 10 ppm). Les résultats ne montrent pas d'amélioration du taux de décès ou de dysplasie broncho-pulmonaire (80 %, contre 82 % avec placebo), ni du taux d'hémorragie intracrânienne sévère.
Cependant, des analyses réalisées secondairement suggèrent que, dans le sous-groupe des prématurés dont le poids de naissance est supérieur à 1 000 g, le traitement réduit les taux de décès et de dysplasie broncho-pulmonaire, tandis que, chez les prématurés dont le poids de naissance est inférieur à 1 000 g, le traitement est associé à une mortalité plus élevée et à un risque accru d'hémorragie intracrânienne sévère.
En outre, les prématurés dans l'étude de Van Meurs et coll. étaient de plus petit poids (839 g en moyenne, contre 992 g en moyenne, et 47 % pesant moins de 750 g) et davantage malades, comme en témoigne le taux de mortalité plus élevé dans les groupes placebo (44 %, contre 22,5 % dans l'étude de Mestan et coll.).
D'autres études en cours.
Que faut-il conclure de ces deux études ? Pour les Drs Martin et Walsh (Cleveland), auteurs d'un éditorial associé, « l'usage à court terme du monoxyde d'azote inhalé ne peut être considéré comme une thérapie de sauvetage efficace pour les très grands prématurés présentant une détresse respiratoire profonde. A l'opposé, les prématurés moins malades pourraient bénéficier de ce traitement, autant à court terme que sur le long terme, comme le suggère l'étude de Mestan et coll. ».
Deux études multicentriques randomisées d'exposition prolongée au monoxyde d'azote sont en cours. Il est clair que les bénéfices et les risques du monoxyde d'azote inhalé chez les prématurés doivent être davantage étudiés, avant que son usage puisse être introduit en pratique clinique.
« New England Journal of Medicine » du 7 juillet 2005, pp.13 et 82.
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