Le temps de la médecine
Parmi les affections vasculaires révélées par l'examen de la main, la plus fréquente est l'acrocyanose. Les mains sont en permanence bleu cyaniosé, froides, et souvent le siège d'une hypersudation. Les pieds sont également touchés. Tous ces troubles sont indolores et renforcés par le froid. « Cet inconfort, d'origine idiopathique, est bénin, indique le Pr Pierre-Yves Hatron (service de médecine interne, CHRU de Lille) , et il faut rassurer les patientes », car il s'agit d'une affection essentiellement féminine.
Autre pathologie, l'érythermalgie, certes rare, mais de diagnostic simple. Les extrémités sont rouges et douloureuses lors des poussées qui sont déclenchées par la chaleur. Ce sont surtout les pieds qui font souffrir. Les douleurs sont soulagées par le froid. L'érythermalgie est habituellement d'origine idiopathique ; il faut néanmoins éliminer l'hypothèse de syndrome myéloprolifératif, par l'analyse d'une numération formule sanguine.
Examiner la pulpe et les ongles
Le phénomène de Raynaud est plus connu des médecins généralistes. En dehors des crises déclenchées par le froid, l'examen des mains est normal dans le cadre d'une maladie de Raynaud idiopathique. Les patientes (ici aussi, il existe une prédominance féminine) décrivent une évolution en trois phases lors d'une exposition au froid. Brutalement, un ou plusieurs doigts de la main prennent un aspect cadavérique. Ils sont exsangues et insensibles.
Cette phase syncopale est suivie d'une phase de cyanose, puis d'une phase hyperhémique douloureuse correspondant à la revascularisation de la main.
« Ces troubles, habituellement bénins, doivent faire rechercher une artériopathie du membre supérieur quand on constate un épaississement de la couche cornée entre l'ongle et la pulpe, des hémorragies en flammèches sur la base de l'ongle et/ou la persistance d'une cyanose douloureuse entre les crises », explique Pierre-Yves Hatron. Une manuvre d'Allen positive est en faveur de cette insuffisance artérielle (voir encadré). Ses causes principales sont la sclérodermie, l'artérite distale du tabagique (maladie de Léo Buerger), le syndrome du marteau hypothénar, maladie professionnelle qui doit être déclarée. Les personnes exposées sont celles utilisant un instrument de travail qui percute de façon répétée le bord externe ou la paume de la main, par exemple, un marteau piqueur. Ces traumatismes à répétition provoquent un anévrisme artériel qui se thrombose et d'où partent des embols qui vont obstruer les artères distales.
« D'autres petits signes cliniques sont très évocateurs », poursuit le spécialiste. La sclérodermie ne pose pas de problème diagnostique quand les doigts sont boudinés et la peau en regard impossible à plisser. Mais il est préférable de l'évoquer à un stade plus précoce. En présence notamment d'un phénomène de Raynaud accompagné de cicatrices punctiformes sur les pulpes digitales (séquelles de micro-infarctus), de mégacapillaires sur la sertissure de l'ongle, de télangiectasies sur la face palmaire, de concrétions calcaires (calcinose) sur la paume des mains.
Des éruptions évocatrices
La main de la dermatomyosite est également caractéristique. Outre la présence de mégacapillaires péri-unguéaux, il existe une éruption très érythémateuse sur le dos de la main et la face d'extension des doigts marquée par un renforcement de la rougeur en regard des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes. A ces signes s'ajoute un érythème péri-unguéal douloureux à la pression (signe de la manucure). Ce renforcement érythémateux péri-unguéal est également retrouvé dans le lupus érythémateux. Mais, dans cette affection, l'érythème des mains est squameux.
« Un purpura, un livedo, des nécroses digitales font passer d'emblée dans le registre des vascularites (péri-artérite noueuse, cryoglobulinémie), a fortiori s'ils s'associent à une amyotrophie du bord externe de la main (atteinte du nerf cubital) ou des espaces interosseux (atteinte radiale). »
La main apporte donc de précieux renseignements sur les affections vasculaires dont les principales viennent d'être rappelées.
La manoeuvre d'Allen
La manoeuvre d'Allen consiste à comprimer les artères radiale et cubitale aux poignets et à faire effectuer par le patient des mouvements de flexion et d'extension de la main. Cette dernière devient blanche et exsangue.
On décomprime ensuite l'artère radiale. La recoloration de la main doit être homogène et se faire en moins de cinq secondes. La même manoeuvre est réalisée avec l'artère cubitale.
Une recoloration hétérogène ou tardive dans le territoire artériel concerné signe une artérite distale.
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