La table ronde consacrée aux céphalées et à la pathologie nasale a mis en avant la difficulté de certains diagnostics et la nécessité d'un avis neurologique et algologique.
LES DOULEURS sinusiennes font partie des symptômes les plus fréquents en médecine – de même que les diagnostics posés par le patient lui-même : « Docteur, j'ai une sinusite. » En fait, les choses ne sont pas si simples, à commencer par les caractérisations de la douleur elle-même, qui justifient la plainte.
Sur le plan anatomique, les douleurs rhinogènes sont médiées par une double stimulation du nerf trijumeau, d'une part, et de la vascularisation environnante, d'autre part, via la libération de neuromédiateurs tels que le CGRP (Calcitonine Gene Related Peptide), et la substance P, puissant vasodilatateur et facteur de libération d'histamine et de sérotonine. Ce système trigémino-vasculaire étend la sensation à un vaste territoire, incluant l'oeil, la joue et les fosses nasales. «Il n'est donc pas toujours évident de faire la différence entre douleurs migraineuses, vasculaires, et douleurs d'origine sinusienne et potentiellement infectieuse», souligne le Pr Jean-Michel Prades (CHU de Saint-Etienne).
Et en pratique, les choses peuvent être d'autant plus difficiles que le patient décrit généralement sa douleur de manière imprécise, avec des expressions du type « lourdeur faciale », et que l'imagerie n'est pas d'un grand secours, puisqu'il n'y a pas de corrélation entre images et intensité de la douleur. «D'où l'intérêt d'une recherche sémiologique très fine», souligne le Pr Jean-Michel Klossek (CHU de Poitiers).
Passé l'interrogatoire, la démarche diagnostique doit chercher à exclure certaines hypothèses. La sphénoïdite, pour commencer, c'est-à-dire l'inflammation du sinus sphénoïdal, quelle qu'en soit la cause. Elle est rare, mais s'accompagne de céphalées dans 69 à 98 % des cas, selon les études. « Le sinus sphénoïdal se développe à partir de l'âge de un an, rappelle le Pr Dominique Stoll (CHU de Bordeaux). A partir de 5 ans, lorsqu'il devient cliniquement signifiant, il faut donc penser à la sphénoïdite.» Certains critères sont suggestifs : RGO, natation-plongée, rhinite allergique. Par ailleurs, selon certains auteurs, les douleurs associées seraient localisées au sommet du crâne, au niveau du vertex. Mais, plus souvent encore, le tableau est trop atypique pour laisser évoquer la sphénoïdite d'emblée . «Le diagnostic est très difficile en l'absence d'endoscopie, et il peut éventuellement constituer une indication de scanner», conclut le Pr Stoll.
A exclure également, les fausses céphalées rhinogènes, dues aux tumeurs bénignes ou malignes, et les céphalées rhinogènes hors sinusite.
Libération de médiateurs de l'inflammation.
En cas de point de contact entre cornet et septum, la stimulation mécanique directe du nerf trijumeau peut se solder par la libération de médiateurs de l'inflammation, et encore une fois la substance P, pouvant entraîner des symptômes voisins de ceux d'une migraine. La présentation clinique reste toutefois très variable, et un bon argument est la résistance aux triptans, que certains auteurs recommandent comme test. Sans réponse du patient, le diagnostic passe par l'endoscopie ou le scanner. Mais seulement en temps et en heure. Selon le Pr Louis Crampette (hôpital Guy-de-Chauliac, Montpellier), «il ne faut pas se contenter d'avoir vu un contact, si l'on n'a pas éliminé les autres causes (sphénoïdite, migraine pure...)».
Les études sont rares. Certaines font état de résultats favorables de la chirurgie : des améliorations sont ainsi rapportées chez les trois quarts des patients opérés, et non chez les patients ayant refusé l'opération (1). Mais d'autres auteurs retrouvent la même proportion de points de contact chez des patients algiques ou non (2). Dans tous les cas, le message est de ne pas se précipiter sur la chirurgie, et de ne jamais l'envisager sans l'avis d'un neurologue et l'échec d'une prise en charge algologique.
Enfin, les algies vasculaires de la face, dont la prévalence est de 1 à 2/1 000 dans la population. Le contexte est évocateur : les algies vasculaires de la face concernent surtout les hommes, et se trouvent associées au tabac et à l'alcool. Il s'agit par ailleurs de formes familiales dans 7 à 10 % des cas. Les algies vasculaires de la face répondent au sumatriptan injectable et à l'oxygénothérapie au masque. Selon le Pr André Coste (hôpital Henri-Mondor, Créteil), «la stimulation hypothalamique pourrait également être envisagée comme traitement».
Aujourd'hui, selon le Pr Crampette, «il existe encore beaucoup trop de patients opérés à tort avant un diagnostic d'algie vasculaire de la face, sur la base d'un interrogatoire insuffisant». Pour le Pr Stoll, «dans la prise en charge des céphalées, il faut opérer le moins possible». En tout cas, jamais avant une investigation clinique suffisante, un scanner, l'avis du neurologue, l'échec des traitements médicaux de la migraine et l'échec des traitements antidouleur conduits par un spécialiste.
(1) Kunachak S. Laryngoscope 2002 ; 112(5) : 870-2 (2) Abu Bakra M et coll. J Laryngol Otol 2002 ; 115 : 629-32 Table ronde « Céphalées et la pathologie nasale. » D'après les communications des Prs Jean-Michel Prades (Saint-Etienne), Jean-Michel Klossek (Poitiers), Dominique Stoll (Bordeaux), Louis Crampette (Montpellier), André Coste (Créteil).
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