Affection rare, la pancréatite auto-immune reste mal connue. Une étude menée par le Club français du pancréas apporte des éléments nouveaux sur ses caractéristiques cliniques et biologiques. Des données précieuses pour mieux adapter le traitement et éviter des interventions inutiles en cas de formes pseudo-tumorales. Les explications du coordinateur de cette étude originale, le Pr Marc Barthet.
LA PANCRÉATITE auto-immune a été décrite dans les années 1960, puis elle a été presque oubliée, avant d'être vraiment étudiée, notamment au Japon, puis aux Etats-Unis, explique le Pr Marc Barthet. Les données issues d'une quarantaine d'études internationales suggèrent qu'elle représente environ 2 % des pancréatites chroniques et 40 % des pancréatites chroniques idiopathiques. Son polymorphisme clinique pose des problèmes diagnostiques et peut aboutir, dans les formes pseudo-tumorales qui représentent environ un tiers des cas, à une résection chirurgicale inutile. D'où l'intérêt de mieux définir ses caractéristiques cliniques, radiologiques et biologiques. C'est l'objectif de l'étude mise en oeuvre en 2004 par le Club français du pancréas. Il s'agit d'une étude multicentrique coordonnée par le Pr Barthet à l'hôpital Nord de Marseille. Soixante-huit patients ont été inclus et 49 cas, 30 hommes et 19 femmes (soit un sex-ratio de 61 %), ont pu être confirmés. L'âge moyen était de 45 ans, avec des extrêmes de 17 et 77 ans. Douze patients présentaient une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, recto-colite hémorragique ou maladie de Crohn. Dans 7 cas, la pancréatite était associée à une maladie de Gougerot–Sjögren ou à une thyroïdite. Au total, si 38 % des cas étaient associés à une autre affection auto-immune, il s'agissait majoritairement d'une pancréatite aiguë isolée.
Sur le plan clinique, comme dans la littérature, la forme pseudo-tumorale s'est révélée la plus fréquente, avec 23 cas (47 %). Dix-neuf patients présentaient une pancréatite aiguë inexpliquée, 18 des douleurs abdominales d'allure pancréatiques et 9 une stéatorrhée clinique. Les sujets qui avaient une forme pseudo-tumorale ont eu une résection chirurgicale et l'un d'entre eux a reçu une chimiothérapie. Ces patients présentent une symptomatologie en tout point comparable à celle d'un cancer du pancréas, note le Pr Barthet. Deux facteurs peuvent néanmoins plaider contre une affection maligne : une augmentation des immunoglobulines IgG4 et l'aspect histologique avec des infiltrats lymphocytaires et lympho-histiocytaires sans cellules cancéreuses. L'élévation des IgG4, observée dans 70 % des cas dans les séries américaines de pancréatites auto-immunes, n'avait pas été mise en évidence aussi fréquemment dans deux études françaises menées l'une à l'hôpital Beaujon à Paris et l'autre dans le service marseillais. «Les résultats préliminaires de l'étude multicentrique ne permettent pas encore de trancher sur la spécificité et la sensibilité de ce critère biologique, mais le dosage des IgG4 doit certainement faire partie du bilan à chaque fois que le diagnostic de pancréatite auto-immune est évoqué», indique le Pr Barthet. Sur le plan biologique, des anticorps antinucléaires ont été mis en évidence chez 9 patients et une hypergammaglobulinémie chez 9 sujets, dont trois de ceux qui avaient des anticorps antinucléaires. «Il semble donc que la biologie ne soit que d'un apport modéré», conclut-il.
L'intérêt de l'échoendoscopie.
Les données de l'imagerie ne sont pas spécifiques, mais peuvent contribuer à l'orientation diagnostique. Chez les patients inclus dans l'étude multicentrique française, le scanner montre des éléments diffus glandulaires, avec un retard de prise de contraste, l'IRM, des irrégularités du canal pancréatique principal, avec un aspect moniliforme, et l'échoendoscopie, des lésions nodulaires ou un pancréas hétérogène. Ce dernier examen permet en outre de réaliser des biopsies à la recherche d'infiltrats et de fibrose. Dans cette étude, la moitié des patients ont eu des biopsies sous échoendoscopie, les autres, au cours d'une intervention chirurgicale, «opération que l'on cherche à éviter en caractérisant mieux la maladie», précise le Pr Barthet.
Sur le plan thérapeutique, la corticothérapie, à la dose de 1 mg/kg pendant un mois, constitue un véritable test, car la réponse peut être spectaculaire avec la disparition complète des symptômes cliniques, mais aussi des signes radiologiques. Dans l'étude multicentrique, 87 % des patients ont bénéficié de ce traitement, mais 38 % ont présenté une récidive. Dans ces situations, l'attitude thérapeutique n'est pas encore clairement définie. Deux options sont possibles : une nouvelle cure de corticoïdes ou un traitement immunosuppresseur.
D'après un entretien avec le Pr Marc Barthet, service de gastro-entérologie, hôpital Nord, Marseille.
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