La situation est pour le moins originale, mais il faut reconnaître que le code de la Sécurité sociale, qui régit la question, n'est pas vraiment explicite. Il ressort en effet des articles L.131-6, L.642-1 et L.642-2 que les différentes cotisations sociales sont «assises sur le revenu professionnel non salarié» et que ce revenu professionnel est celui qui est «retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu» (avant les différentes déductions et exonérations prévues par le code général des impôts). Et il faut se débrouiller avec ça.
On sait que, dans les sociétés d'exercice libéral, il y a deux possibilités pour prélever le bénéfice : prendre une rémunération de gérant ou se verser des dividendes. La rémunération de gérant constitue bien évidemment un revenu professionnel. En revanche, la question se pose pour les dividendes. Et elle concerne les médecins depuis que la CARMF a décidé d'inclure ces dividendes dans l'assiette des cotisations qu'elle réclame.
La CARMF entendue.
Dans l'arrêt du 14 novembre 2007, le Conseil d'État a donné raison aux cotisants qui contestaient la position de la CARMF. Il s'appuie sur le fait que ces dividendes sont imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers : il s'agit par conséquent de revenus du patrimoine qui ne peuvent être considérés comme des revenus professionnels. Ils sont d'ailleurs soumis à la CSG-CRDS.
Mais il faut noter que la commissaire du gouvernement (l'équivalent du procureur en matière administrative) indique dans ses conclusions qu'elle a longtemps hésité avant de prendre position contre la CARMF, qu'elle se « résigne » à le faire « sans enthousiasme » et qu'elle suggère au législateur de régler cette situation « inextricable ».
La Cour de cassation, quant à elle, dans son arrêt du 15 mai, semble l'avoir entendue et elle a retenu l'argumentation des caisses de retraite. Les dividendes correspondent aux bénéfices de la SEL distribués à l'associé, ils constituent donc le « produit de son activité professionnelle » et doivent entrer dans l'assiette des cotisations sociales.
L'URSSAF et les CPAM demain ?
On peut penser que cette position ne variera plus désormais, mais il serait souhaitable de modifier le code de la Sécurité sociale pour qu'il n'y ait plus d'hésitation à ce sujet et pour préciser le montant des dividendes à déclarer à la CARMF : il serait juste de soumettre à cotisation non pas le montant brut des dividendes mais le montant net, déduction faite de la CSG déductible et des cotisations de retraite déjà réglées.
D'autant que l'URSSAF et les caisses d'assurance-maladie pourraient être tentées de suivre l'arrêt de la Cour de cassation et de réclamer à leur tour des cotisations sur les dividendes versés par les sociétés d'exercice libéral... Ce qui enlèverait beaucoup d'intérêt aux SEL unipersonnelles : si les charges fiscales et sociales sont les mêmes qu'en exercice individuel, on ne voit pas pourquoi se compliquer la vie avec une société inutile. Les « conseils » qui démarchent les médecins pour les convaincre de passer en SEL, moyennant de confortables honoraires, oublient généralement d'en parler.
Les références des arrêts : Conseil d'État, 14 novembre 2007, n° 293642 ; Cour de cassation 2e chambre civ., 15 mai 2008, n° 06-21.741.
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