UNE POLEMIQUE est née la semaine passée à la suite d'une étude sur un antidiabétique oral, la rosiglitazone, parue dans le « New England Journal of Medicine ». Ce travail signé de deux médecins de Cleveland (Ohio), Steven Nissen et Kathy Wolski, suggère, chez les patients traités, une augmentation significative du risque d'infarctus du myocarde et une élévation à la limite de la significativité de celui de décès par affection cardio-vasculaire.
Ce constat est né d'une métaanalyse que ces médecins avaient jugée nécessaire. A leurs yeux, alors que les affections cardio-vasculaires sont responsables de plus de 65 % de la mortalité des diabétiques, les études initiales n'avaient pas été conçues pour évaluer ce critère. Ils ont donc fouillé les publications, le site Internet de la FDA et le registre des essais cliniques émanant de GlaxoSmithKline, qui commercialise la molécule.
42 études sur 116 ont pu être analysées.
Trois critères ont servi de filtre pour l'inclusion d'un travail dans la métaanalyse : traitement de plus de 24 semaines, étude randomisée avec un groupe contrôle ne recevant pas la molécule, données sur les infarctus et les décès d'origine cardio-vasculaire. C'est ainsi que 42 études sur 116 ont pu être analysées. L'âge moyen des patients était de 56 ans, avec une HbA1C moyenne de 8,2 %. L'odds ratio d'infarctus du myocarde (158 cas) a été évalué à 1,43 (95 % CI : de 1,03 à 1,98, p = 0,03), celui de décès d'origine cardio-vasculaire (61 cas) est de 1,64 (95 % CI : de 0,98 à 2,27, p = 0,06).
D'emblée, les auteurs reconnaissent des limites à leur travail. En premier lieu, il ne porte que sur les études publiquement accessibles, et elles n'étaient pas destinées à fournir des données cardio-vasculaires. Ensuite, les événements enregistrés sont peu nombreux, notamment en raison de la taille réduite des études et de leur durée restreinte. Ce qui a rendu les odds ratio extrêmement sensibles à des changements minimes dans leur classement. Ils admettent, enfin, que la métaanalyse n'est pas la méthode la plus fiable pour obtenir des données. La plus valide est l'essai prospectif bâti autour d'un objectif.
Ce dernier argument est repris par GlaxoSmithKline dans un communiqué de presse. L'industriel rappelle avoir lancé des études répondant à ce critère de fiabilité. ADOPT, qui oppose la rosiglitazone à d'autres antidiabétiques oraux, a suivi pendant 6 ans plus de 4 300 patients. Ici, un léger excès d'infarctus a été relevé sous rosiglitazone. Mais le nombre de cas est trop faible pour tirer des conclusions fiables. Dans l'étude DREAM, sur 5 200 patients suivis entre trois et cinq ans, aucune augmentation du risque cardio-vasculaire n'a été enregistrée par rapport à un placebo. Enfin, RECORD a été lancée en 2000 afin d'évaluer le risque cardio-vasculaire. A l'heure actuelle, aucun élément n'a justifié un arrêt prématuré de l'essai pour des raisons de sécurité des patients.
Des prescriptions hors AMM.
L'Agence européenne du médicament a réagi de son côté. Elle a précisé que quelques études incluses dans la métaanalyse comportaient des patients chez qui la rosiglitazone était prescrite hors AMM.
Enfin, le « Lancet » a mis en ligne, quarante-huit heures après publication de la métaanalyse, un court éditorial. Il rappelle que GSK avait déjà soumis sa propre analyse des études à la FDA. Il en ressortait un surrisque possible de 30 à 40 % d'atteinte cardiaque. Le seul fait connu est une majoration des épisodes d'insuffisance cardiaque, qui figure au RCP (résumé des caractéristiques du produit). Surtout, la revue insiste sur le fait que seule l'étude RECORD, conçue pour évaluer le risque cardio-vasculaire, pourra répondre de façon claire à l'inquiétude des auteurs de la métaanalyse. En attendant, les éditorialistes suggèrent de ne pas susciter de panique auprès des patients, par une approche plus calme et plus posée de la sécurité de cet antidiabétique.
« N Engl J Med », 21 mai 2007, DOI : 10.1056/NEJMoa072761 et NEJMe078099 (éditorial).
« Lancet », 23 mai 2007, DOI : 10.1016/S0140-6736(07)60787-9.
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