Au-delà des brûlures, des fractures, des atteintes sensorielles, les victimes d'attentats sont exposées à des conséquences psychopathologiques fréquentes et parfois sévères.
Sont concernées les personnes qui ont vécu cet événement, au cours duquel elles ont été blessées ou gravement menacées, mais également celles qui en ont été les témoins (sauveteurs par exemple). Les conséquences de ces traumatismes sont perceptibles sur la qualité de vie, la situation psychosociale et familiale des victimes longtemps après leur survenue.
La réaction immédiate est l'effroi, le sentiment d'impuissance et l'impression que l'on va mourir lorsque l'on est gravement blessé. Puis, peuvent survenir des pensées étranges ou paradoxales (se sentir « détaché », ne plus savoir qui l'on est, être dans le brouillard, percevoir le monde comme irréel...). Pour que cette réaction de stress aigu soit considérée comme pathologique au sens du DSM-IV , il doit y avoir au moins trois de ces symptômes dissociatifs, qui mêlent amnésie dissociative, dépersonnalisation et déréalisation, associés à des manifestations anxieuses (hypervigilance, irritabilité, difficultés d'endormissement...). L'événement traumatique est revécu (ruminations, illusions, cauchemars...) et le sujet évite tout ce qui peut lui rappeler le traumatisme (les lieux, la situation, les conversations...). Cette souffrance psychologique qui le handicape dans sa vie sociale, familiale et professionnelle peut ne durer que quelques jours ou quelques semaines. Lorsqu'elle se prolonge, on parle d'état de stress posttraumatique.
Une pathologie chronique
L'état de stress posttraumatique peut s'inscrire dans la continuité du trouble stress aigu ou survenir de manière différée dans les six mois. Les souvenirs répétitifs deviennent envahissants et chargés d'angoisse ; l'événement est revécu en rêve ou sous forme de « flash-back » (reviviscence soudaine « comme si » l'attentat allait se reproduire). Tout ce qui le rappelle entraîne un sentiment de détresse et amène le sujet à l'éviter ; au point de réduire ses activités, ses relations à autrui, ses déplacements... Cette restriction du champ existentiel s'assortit d'un émoussement affectif, d'un détachement, d'une difficulté à se projeter dans l'avenir. En outre, le patient dort mal, est irritable, ne parvient pas à se concentrer, sursaute au moindre stimulus et souffre de troubles neurovégétatifs, notamment à la moindre évocation de l'événement traumatique.
Une prise en charge accessible
L'état de stress posttraumatique peut aussi être associé ou évoluer vers d'autres troubles psychopathologiques, en particulier la dépression. C'est d'autant plus souvent le cas lorsque le patient a perdu un proche dans l'attentat ou qu'il a des séquelles physiques (2 % d'amputations, 10 % de fractures osseuses, 1/3 de traumatismes crâniens, 2/3 de séquelles auditives, 1/3 d'atteinte de l'apparence physique, à la suite des attentats de 1995 à Paris).
L'étude ESCAT( Etude sur les conséquences sanitaires des attentats de 1995 à Paris), menée par l'association SOS Attentats**, a recensé 31 % de patients ayant un état de stress posttraumatique dans les années suivantes et 49 % d'états dépressifs. D'une manière générale, deux tiers des personnes ressentaient une détresse psychologique plus ou moins sévère, soit deux fois plus que les victimes des inondations du Vaucluse survenues en France en 1997.
Qualité de vie, situations financière et familiale sont bouleversées chez les victimes d'attentat, comme le confirme l'étude ESCAT, qui souligne que une personne sur cinq a perdu son travail du fait de l'attentat tout en mettant en évidence des conséquences financières importantes chez la moitié des victimes.
L'état de stress posttraumatique peut nécessiter la prescription de psychotropes, plutôt antidépresseurs que tranquillisants, et une prise en charge psychothérapique, en particulier de nature cognitivo-comportementale. Le soutien par des associations de victimes peut également être bénéfique.
La prise en charge psychologique doit donc être facilement accessible durant une période prolongée pour les victimes d'attentats ; le seule prise en charge physique et psychologique d'urgence ne suffit pas pour répondre aux multiples troubles présentés par ces sujets des années après le traumatisme.
* Psychiatre, hôpital Albert-Chenevier, Créteil.
** SOS Attentats, hôtel national des Invalides, 75007 Paris. Tél. 01.45.55.41.41.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature