Des cobayes pour surveiller la pollution parisienne

Publié le 22/01/2002
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Chaque jour, nos poumons ingurgitent pas loin de 15 000 litres d'air. Certains, peu chanceux, le font avec moins d'appétit que d'autres. C'est sans doute le cas de ceux qui évoluent en milieu urbain, propice à la pollution automobile et industrielle. Avec un parc automobile de plus de quatre millions de véhicules particuliers, l'Ile-de-France est incontestablement le point noir de la pollution en France.

Pour savoir ce qu'ils risquent jour après jour, les Franciliens peuvent contacter Airparif, l'Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA) de l'agglomération parisienne (www.appa.asso.fr, ou 01.44.59.47.64). Des centaines de stations de mesure sont disséminées aux quatre coins de l'Ile-de-France. En milieu extérieur mais aussi intérieur, puisque le citadin passe près de 80 % de son temps dans les locaux domestiques, scolaires, professionnels et publics. Actuellement, les analyses sont effectuées chaque quart d'heure. « L'avantage, c'est que ces indications sont très fiables pour un endroit et un moment donnés », indique Martine Boissavy, de Airparif.
Seulement voilà, le Francilien est rarement statique. Difficile pour lui de se faire une idée précise de ce à quoi il est exposé tout au long de la journée. Pour répondre à cette question, Airparif est donc conduit à développer une nouvelle approche. « Actuellement, nous établissons plusieurs dizaines de parcours classiques, grâce à la synthèse des données fournies par nos diverses stations, explique Martine Boissavy. Il suffira ensuite de préciser, sur notre site Internet, son lieu de vie, de travail, de loisirs, et les parcours empruntés pour telle journée. L'internaute obtiendra alors un diagnostic personnalisé de son exposition à la pollution. » Initialement prévue pour le début de l'année 2002 (« le Quotidien » du 11 octobre 2001), la mise en ligne de ce système n'interviendra pas avant plusieurs mois.

Des micro-capteurs dans des sacs à dos

Une autre approche consiste à mesurer la pollution sur les individus eux-mêmes, grâce à des micro-capteurs portés dans des sacs à dos. Le Laboratoire d'hygiène de la ville de Paris (LHVP) s'en est servi pour la première fois à Paris de janvier 1996 à février 1998. L'étude, focalisée sur la pollution due aux transports, a déjà permis de dégager quelques grands principes. Quel que soit le mode de déplacement emprunté, les expositions se sont plus fortes le matin qu'en fin d'après-midi et sont supérieures l'hiver par rapport à l'été. La palme du milieu le plus pollué est attribuée sans hésitation aucune à l'habitacle des voitures. Mais que l'automobiliste parisien se rassure, il n'est pas plus mal loti que ses voisins européens. D'autres villes ont été testées ; chaque fois, l'automobiliste reste l'usager le plus exposé.
L'étude du LHVP souligne par ailleurs les bienfaits de la marche à pied. Les piétons, à égalité avec les adeptes du métro, sont les deux catégories de personnes les moins exposées. L'exposition que subit le cycliste, même si elle est moindre que celle de l'automobiliste, n'est pas à négliger. D'abord parce que, pour le même itinéraire, la durée du trajet est bien supérieure - y compris pour les individus surdopés. Ensuite à cause de l'effort physique fourni, qui augmente la ventilation pulmonaire et donc la dose de polluants absorbée.
Pour affiner ces résultats, l'APPA vient d'annoncer le lancement d'une nouvelle étude pour évaluer l'exposition personnelle des Franciliens en fonction de leurs déplacements et de l'air qu'il respire. Les cobayes porteront sur eux des capteurs de mesure de la pollution à Gennevilliers (Seine-Saint-Denis), Les Ulis (Essonne) et Paris intra-muros.
Cette fois-ci, l'étude portera sur 30 adultes et 30 enfants de 7 à 10 ans. Ils devront noter tous leurs déplacements dans un petit carnet pendant les quarante-huit heures du test. Le but est d'étudier de plus près l'impact des polluants de l'air sur la santé de chacun, notamment au sein d'une même famille. Airparif mesurera parallèlement la pollution sur des capteurs fixes dans les trois villes, pour corroborer les mesures individuelles.
Les mesures seront analysées par trois laboratoires associés à l'opération : Airparif, le laboratoire d'hygiène et de santé publique de l'université René-Descartes Paris-V et le LHVP. Les premiers résultats seront disponibles d'ici à six mois.

Delphine CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7050