Premiers pas sur des cellules humaines infectées

Des ciseaux enzymatiques pour extirper le VIH du génome

Publié le 28/06/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

APRÈS AVOIR infecté une cellule cible, le VIH1, comme tout rétrovirus, s'intègre dans l'ADN génomique de la cellule hôte, et persiste sous forme d'un provirus (ADN viral) encadré de séquences répétées appelées LTR (Long Terminal Repeats).

L'ADN viral ainsi inséré dans le génome cellulaire peut être répliqué et transmis aux cellules filles au cours de la division cellulaire.

A l'heure actuelle, les thérapies anti-VIH ciblent principalement les enzymes du virus (transcriptase reverse, protéase) ou la fusion entre le virus et la cellule hôte, mais aucune ne cible le provirus intégré.

Ces thérapies suppriment la réplication virale, sans éradiquer le virus, transformant l'infection VIH1 en une infection chronique. Le virus étant inextricablement lié à l'hôte, il est pratiquement impossible de « guérir » les patients de leur infection par le VIH1. De plus, on observe l'émergence de nouvelles souches de VIH1 qui résistent aux traitements suppresseurs.

De toute évidence, une approche thérapeutique qui permettrait d'éradiquer le provirus VIH1 serait précieuse.

Excision de l'ADN entre deux sites de reconnaissance.

Sarkar et coll. ont fait un pas dans cette direction en construisant une enzyme capable d'exciser le VIH1 intégré.

Ces chercheurs ont créé, au moyen d'une technique d'évolution dirigée, une version modifiée de la recombinase Cre.

Cette enzyme Cre, exprimée par le bactériophage P1, est capable d'exciser l'ADN entre deux sites de reconnaissance appelés loxP (une séquence de 34 paires de bases). Grâce à cette propriété, la recombinase Cre est devenue un outil important de la recherche génétique sur la souris, permettant d'activer ou inactiver des gènes par délétion d'ADN.

L'exploit de Sarkar et coll. est d'avoir identifié un dérivé de la recombinase Cre, appelé Tre, qui reconnaît la séquence loxLTR encadrant le provirus VIH1.

Les chercheurs ont ensuite démontré que la recombinase Tre est capable in vitro d'exciser le VIH1 intégré dans une lignée de cellules humaines infectées.

Ils montrent qu'il faut environ 3 mois, dans des conditions favorables, pour éliminer toute trace de VIH1 dans les cellules cultivées.

«Ces résultats révèlent qu'il est possible de faire évoluer une recombinase afin qu'elle cible spécifiquement un LTR du VIH1 et qu'elle soit capable d'exciser le provirus de son sited'intégration chromosomique», concluent les chercheurs.

Des obstacles à surmonter.

Cette approche de recombinase modifiée est encore loin d'avoir un usage thérapeutique en pratique clinique, admettent-ils.

D'importants obstacles devront être surmontés. Il faudra par exemple trouver un moyen sûr et efficace pour délivrer l'enzyme, et cette enzyme devra être capable de fonctionner dans les cellules cibles sans produire d'effets secondaires indésirables.

«Néanmoins, ces résultats constituent une première preuve de principe de ce type d'approche», ajoutent-ils.

Dans un article de perspective, Alan Engleman (Dana-Farber Cancer Institute, Boston) est du même avis.

«Ces résultats soulèvent la possibilité que des enzymes “sur mesure” puissent un jour aider à éradiquer le VIH1 de l'organisme», observe-t-il.

«L'obstacle le plus important à l'utilisation potentielle de Tre chez les humains sera de l'introduire de manière sûre et efficace dans les cellules», poursuit-il.

Une délivrance par vecteur viral pourrait être nécessaire afin d'obtenir une expression durable de Tre dans les cellules qui ne se divisent pas.

Des expériences destinées à évaluer Tre dans des cellules T infectées de façon latente devraient révéler l'efficacité de cette approche. «Bien que des résultats favorables ne représenteront peut-être qu'un petit pas vers un usage éventuel chez les patients, la découverte de la recombinase Tre prouve que l'élimination enzymatique du VIH1 intégré dans les chromosomes humains est une réalité d'aujourd'hui. »

« Science », 29 juin 2007, Sarkar et coll. p. 1912, Engelman p. 1855.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8196