DE NOTRE CORRESPONDANTE
«LES FILARIOSES peuvent être traitées, mais les traitements actuels ont été découverts il y a plusieurs décennies», explique dans un communiqué le Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (Niaid), une branche du NIH qui a subventionné cette recherche. «Il y a un besoin urgent de nouvelles découvertes dans ce domaine, étant donné les limitations des médicaments actuels.»
«L'information génomique nous permet de mieux comprendre quels sont les gènes importants pour différents processus dans le cycle évolutif du parasite. Dès lors, il sera désormais possible de cibler plus spécifiquement ces gènes et d'interrompre son cycle de vie», souligne le Pr Elodie Ghedin (University of Pittsburgh School of Medicine, et The Institute for Genome Research), qui a dirigé ce projet de séquençage.
Filariose lymphatique.
Plus de 150 millions de personnes dans le monde sont infestées par des filaires, des vers ronds filiformes de l'ordre des nématodes, qui provoquent de sévères maladies chroniques débilitantes, comme l'éléphantiasis (filariose lymphatique), la cécité des rivières (onchocercose) ou la dracunculose (filariose de Médine). Ces infections sont souvent difficiles à traiter et elles ont été négligées par la recherche biomédicale.
La connaissance de la génétique moléculaire du nématode est limitée, reposant principalement sur les études du ver C.elegans qui ne parasite pas l'homme.
L'équipe de Ghedin et coll. a choisi de séquencer le génome de Brugia malayi (la filaire de Malaisie), filaire endémique en Asie du Sud-Est et en Indonésie, responsable de 11 % des cas de filariose lymphatique. Quatre-vingt-neuf pour cent des autres cas sont causés par Wuchereria bancrofti (la filaire de Bancroft).
La filariose lymphatique, qui se transmet de personne à personne par les moustiques, menace plus d'un milliard de personnes qui vivent en Inde, en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
L'infection se contracte généralement dès la petite enfance, mais ses complications chroniques apparaissent chez l'adulte pour lequel elle peut devenir un handicap physique ou un motif de stigmatisation.
Les vers, transmis à l'état de larves par la piqûre de moustique, s'installent dans le système lymphatique sous forme de vers adultes (macrofilaires). Ils vivent environ de quatre à huit ans et produisent des millions de microfilaires immatures circulant dans le sang.
L'obstruction des vaisseaux lymphatiques peut entraîner un gonflement douloureux et enlaidissant des membres, des seins ou des parties génitales. Le lymphoedème peut évoluer en éléphantiasis.
Sur les quelque 120 millions de personnes affectées par la filariose lymphatique, plus de 40 millions sont gravement handicapées ou défigurées par la maladie.
L'équipe a séquencé le génome (90 millions de paires de bases) du ver B.malayi, et prédit l'existence dans le génome de 14 500 à 17 800 gènes codant pour des protéines. La comparaison avec le génome du nématode C.elegans révèle que plus de 20 % des protéines prédites dans le génome de B.malayi sont spécifiques de cette filaire. Ces gènes constituent une «liste intéressante» des premiers candidats pour l'étude fonctionnelle de leurs protéines potentiellement spécifiques aux filaires.
Plusieurs voies métaboliques sont identifiées.
De plus, à partir de la séquence du génome, Ghedin et coll. ont pu identifier plusieurs voies métaboliques contenant des douzaines de protéines qui pourraient offrir des cibles utiles pour la découverte de nouveaux médicaments.
Enfin, en comparant les séquences des protéines prévues de B.malayi à celles des interleukines, des chimiokines et d'autres molécules de signal chez l'homme, ils ont identifié un certain nombre de protéines candidates qui pourraient permettre à la filaire d'échapper à la détection immune. Pour les chercheurs, ces protéines pourraient être des modulateurs immunitaires qui favorisent la survie du parasite, ou des facteurs de croissance ou de différenciation qui sont importants pour le développement du parasite.
La découverte des mécanismes moléculaires qui permettent aux filaires de survivre pendant des années chez un hôte immunocompétent pourrait avoir des retombées médicales allant au-delà du traitement de l'éléphantiasis. Elle pourrait peut-être conduire à de nouvelles stratégies pour le contrôle de l'auto-immunité et la prise en charge des tissus transplantés.
Ghedin et coll. « Science », 21 septembre 2007.
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