Jean-François Mattei ne peut l'ignorer, depuis le récent rapport alarmant du Pr Jacques Domergue sur la chirurgie française en 2003 : la spécialité traverse une crise sans précédent et multifactorielle. Et la profession vit de plus en plus mal la dégradation de son image, de son statut social et de ses revenus.
Face à ce désenchantement qu'aggrave une démographie en panne, les pouvoirs publics sont restés sourds depuis des années. Le blocage de la valeur de la lettre clé KCC, l'épée de Damoclès de la RCP et la judiciarisation du métier ne font que noircir le tableau. Dans ce contexte d'urgence, de nombreux chirurgiens « de terrain » ne se reconnaissent plus dans le discours global des centrales polycatégorielles, qui ne seraient pas à la hauteur de cette crise « spécifique ».
Bien décidés à reprendre la main, des chirurgiens de tous horizons viennent de se réunir à Paris et annoncent la création de « Chirurgiens de France », un regroupement des spécialités chirurgicales « à visée syndicale » qui sera officialisé le 10 juillet. Objectif : fédérer sous la même bannière les adhérents d'organisations existantes comme l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) ou l'Union des chirurgiens français (UCF), mais aussi des syndicats « verticaux » (gynécos, ORL, urologues, orthopédistes, chirurgiens vasculaires...), des groupes constitués récemment comme le collectif des chirurgiens de secteur I (Cochise) ou encore des spécialistes issus des coordinations.
Relève pas assurée
« Jusqu'à présent, analyse le Dr Philippe Cuq, chirurgien vasculaire à Toulouse et porte-parole du mouvement, les chirurgiens ont laissé courir les choses, trop occupés ou fatigués par leurs journées de travail : mais rien ne se passe, la situation devient très pénible, le métier est abandonné par les jeunes et c'est une crise sanitaire qui menace. »
Deux dossiers doivent être traités en urgence absolue, selon les responsables de ce mouvement : la RCP et les honoraires. « La loi About n'a pas réglé le problème des assurances, les cotisations continuent à augmenter sans explication ni transparence des assureurs, ce qui va rendre l'exercice insupportable », explique le Dr Cuq. « Des primes de 25 000 euros sont demandées pour 2004 », confirme le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'UCCSF. Une solution serait la création d'une seconde section au sein de l'ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) fonctionnant grâce à un mécanisme de mutualisation auquel participent l'assurance-maladie, les assurés et les médecins.
Autre mesure à très court terme : la revalorisation financière de la chirurgie, qui passe par la hausse « indispensable » de la cotation spécifique des actes chirurgicaux (KCC), déjà proposée par le rapport Domergue et longuement évoquée dans les discussions conventionnelles. « Nos honoraires en 2003 sont les mêmes qu'en 1990 alors que toutes les charges ont augmenté », rappelle le Dr Cuq, qui veut casser l'image persistante du chirurgien nanti, installé en secteur II dans une grande ville. « De toute façon, quand vous avez de 20 à 30 % de votre clientèle en CMU, le secteur II a aussi ses limites... », commente un chirurgien de province. « Certains spécialistes ont compensé le blocage du Cs par un effet-volume, mais quand vous posez une prothèse de hanche, ce n'est pas le même cas de figure », souligne un autre.
Le contrat de pratique professionnelle proposé par la CNAM (« le Quotidien » du 26 juin), relatif à la fonction de coordination et de suivi périopératoire en chirurgie a-t-il un intérêt pour les médecins concernés? « C'est une bouée de sauvetage pour les chirurgiens en secteur I », relativise le Dr Brun (UCCSF), qui refuse en tout cas le discours « pur et dur » des syndicats, alors que certains médecins « crèvent sur place ».
Avant même sa formalisation, Chirurgiens de France annonce des actions qui feront « monter la pression » dans les prochaines semaines . Et n'exclut pas d'appeler au déconventionnement.
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