Avancée de la médecine de précision : données de plus de 11 000 personnes

Des chercheurs ont identifié 3 sous-groupes de diabète de type 2

Publié le 29/10/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Nous lancerons bientôt une étude prospective longitudinale pour affiner ces résultats et valider leur utilité pronostique et diagnostique. Une confirmation permettrait d’introduire nos résultats en pratique clinique », confie au « Quotidien » le Dr Joel Dudley, directeur du Centre d’informatique biomédicale à l’École de médecine d’Icahn au Mount Sinaï (New York).

Le diabète de type 2 représente un enjeu majeur pour la santé publique dans le monde, avec pour les États-Unis seulement plus de 29 millions de personnes affectées. Pour améliorer sa prévention et sa prise en charge clinique, il est crucial de mieux comprendre la complexité de cette maladie multifactorielle. Le Dr Dudley et son équipe ont relevé ce défi grâce à une nouvelle approche de médecine de précision : l’analyse topologique axée sur les données.

Un réseau de similitudes

À partir des données cliniques enregistrées dans les dossiers médicaux électroniques de plus de 2 550 patients diabétiques de type 2, ils ont construit un réseau de similitudes entre les patients. « Ce réseau est comparable aux réseaux sociaux ou chacun est lié aux autres sur la base d’amis ou de films en commun, sauf que dans notre cas les connections sont axées sur les facteurs cliniques tels que les résultats des tests sanguins », explique le Dr Dudley.

Cette analyse topologique a permis d’identifier 3 sous-groupes de patients :

- un sous-type 1 caractérisé par des complications rénales et rétiniennes ;

- un sous-type 2 à haut risque de cancers et de maladies cardiovasculaires ;

- un sous-type 3 fortement associé aux maladies cardiovasculaires, neurologiques, allergiques et aux infections VIH.

Puis, utilisant les données génomiques de plus de 11 200 individus (patients DT2 et témoins), ils ont mené une étude d’association génétique sur ces sous-groupes, ce qui a permis d’identifier des marqueurs génétiques spécifiques pour chaque sous-type.

« Un important résultat est que les facteurs génétiques peuvent expliquer les différences cliniques entre les groupes. Par exemple, le groupe à risque plus élevé d’événements cardiovasculaires est exceptionnellement associé à des facteurs génétiques liés à la fonction endothéliale vasculaire, ce qui signifie que les facteurs génétiques identifiés peuvent pointer vers des différences biologiques entre les groupes. Ces marqueurs génétiques pourraient aussi permettre à l’avenir de classer les patients dans les sous-groupes du DT2 ».

Parmi les futurs objectifs, outre l’étude prospective de validation, l’équipe projette d’élargir l’approche à l’étude des composantes temporelles du diabète pour mieux comprendre les transitions entre la bonne santé, le prédiabete, et les DT2 établis. « Les résultats génétiques pourraient pointer vers de meilleures pistes pour développer des approches thérapeutiques plus précises du DT2 », précise le chercheur.

Une "carte Google" de la santé

« Notre étude est l’une des premières applications de la médecine de précision à une maladie complexe courante comme le diabète et l’approche pourrait dorénavant être appliquée à d’autres maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, l’Alzheimer, ou la SEP, souligne le Dr Dudley. Il est important que d’autres groupes poursuivent notre travail. Les pays européens avec leur médecine sociale et les dossiers médicaux centralisés sont particulièrement bien positionnés pour cela. »

« Je pense que le futur de la médecine de précision est de cartographier les coordonnées des patients, de façon à représenter les patients sur une "carte Google" de la santé définie par des données similaires à celles utilisées dans notre étude. Et peut-être à l’avenir, pourrons-nous incorporer l’information des dispositifs portables afin d’améliorer la résolution de cette "carte". Nous pourrons alors identifier les coordonnées des patients sur ces paysages de médecine de précision et disposer de meilleures méthodes pour naviguer les patients vers une amélioration de la santé », laisse-t-il entrevoir.

Science Translational Medicine, Li Li et coll., 28 octobre 2015
Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du Médecin: 9445