D ES milliers de chercheurs internationaux ont lancé un ultimatum aux publications scientifiques pour obtenir qu'elles renoncent aux droits sur les articles publiés, afin de constituer une base de données mondiale.
L'initiative, qui rassemble pour l'instant une majorité de biologistes, a été lancée à la fin de 2000 par un noyau de scientifiques américains, sous la forme d'une lettre ouverte adressée aux nombreuses publications de la presse spécialisée. Mais devant l'ampleur prise par le mouvement, baptisé Public Library of Science, et le nombre de signatures recueillies - près de 13 000 à ce jour -, les organisateurs du mouvement ont créé un site Internet www.publiclibraryofscience.org/.
Argent public
« Nous avons été inspirés par la façon dont les choses fonctionnent en physique et dans l'informatique, secteurs dans lesquels la littérature spécialisée est beaucoup plus accessible », explique Michael Eisen, biologiste à l'université de Californie, à Berkeley. « La littérature scientifique, publiée par la presse spécialisée, est le seul enregistrement du processus scientifique, un processus financé par des millions de dollars de fonds publics, plaide-t-il. Les chercheurs font le travail, le gouvernement verse les salaires : tout cela devrait être accessible à la communauté qui le produit et au public qui le finance. »
Ils exigent donc que les publications scientifiques permettent, six mois après leur parution, que tous les articles soient conservés dans une base de données ouverte à tous, consultable en tout point du globe via Internet. Pour l'instant, leur demande n'a été acceptée que par une vingtaine de titres mineurs. « Les journaux agissent dans leur propre intérêt et non dans celui de la science », accuse M. Eisen. « Leur rôle est important, mais ils sont comme les médecins qui aident les femmes à accoucher : ils ne possèdent pas le bébé pour autant. »
Les chercheurs estiment que le délai de six mois d'exclusivité accordé aux magazines leur permettra de maintenir leur rentabilité et assurent que leur initiative ne vise pas à les mettre sur la paille. « Nous pensons que les éditeurs de revues scientifiques doivent être justement rétribués pour le service important qu'ils rendent (...) Peu de scientifiques actuellement abonnés à des journaux accepteraient d'attendre six mois pour s'informer des dernières avancées dans leur domaine », assurent les organisateurs du mouvement sur leur site Internet.
Pour donner du poids à leur revendication, ils brandissent plusieurs menaces. Si d'ici à septembre 2001, la presse spécialisée n'a pas accédé à leur demande, ils commenceront par résilier des abonnements (souvent très chers) puis refuseront de fournir des articles, matière première sans laquelle aucune presse spécialisée n'est envisageable. « Nous avons aussi l'intention, si nous y sommes forcés, de lancer notre propre série de journaux, seuls ou avec d'autres éditeurs », avertit Michael Eisen. Il préconise également que les chercheurs fournissent à partir de septembre leurs contributions accompagnées d'un formulaire demandant au journal de renoncer à tout droit d'auteur ou de renoncer à publier.
Dans le cadre de cette base de données globale, les organisateurs du mouvement ont indiqué qu'une équipe de chercheurs avait commencé à lever des fonds pour numériser les centaines de millions de pages que constituent les articles déjà publiés dans le domaine des sciences de la vie.
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