DEUX VOIES thérapeutiques antitumorales agissant préférentiellement sur les cellules cancéreuses et fondées sur la compréhension de la physiopathologie ont été évoquées dès les années 1970. Il s’agit, d’une part, des folates qui permettent d’interagir avec la synthèse de l’ADN. Le développement de la recherche sur ces molécules a permis la découverte de traitements particulièrement efficaces, par exemple le méthotrexate. La seconde piste, celle des chélateurs du fer, n’a pas pour sa part bénéficié de tels investissements de recherche. Pourtant, on sait que certaines protéines contenant du fer – les enzymes nucléotide réductase, par exemple – sont impliquées dans le métabolisme énergétique et la synthèse de l’ADN. Des études préliminaires ont permis de prouver que certains chélateurs du fer tels que la desferrioxamine (DFO) peuvent bloquer le cycle cellulaire au moment de l’interface G1/S, inhibant ainsi la progression du cycle cellulaire et induisant une apoptose. Par ailleurs, les travaux menés invivo et invitro ont permis de conclure à un effet plus marqué de la privation en fer sur les cellules néoplasiques que sur les cellules témoin : la concentration en ribonucléotide réductase et en Transferrin Receptor 1 est majorée. Longtemps, le seul chélateur du fer utilisé était le DFO. Récemment, un nouveau composé, la triapine (3-aminopyridine-2-carboxaldéhyde thiosemicarbazone), qui inhibe l’activité ribonucléotide réductase et la croissance tumorale invitro et invivo, a fait l’objet d’études cliniques de phase I et II. Enfin, un travail mené en 1995 a montré que d’autres chélateurs de la classe des pyridoxal isonicotinoyl hydrazone pouvaient être dotés d’une activité antitumorale.
Une nouvelle famille.
En se fondant sur l’activité des molécules de cette classe, un travail de chimie analytique a permis le développement d’une nouvelle famille de chélateurs du fer plus active que les molécules de référence. Dans cette nouvelle famille, il semblerait que l’un des composants les plus actifs soit le Dp44mT (di-2-pyridylketone-4,4,-diméthyl-3-thiosemicarbazone). L’équipe du Dr Mergan Whitnall a donc choisi de tester l’effet antitumoral de cette molécule invivo et invitro après que des expériences préliminaires ont confirmé son potentiel antiprolifératif.
Dans un premier temps, les chercheurs ont mis 28 lignées de cellules tumorales en culture en contact avec le Dp44mT et ils ont comparé son effet avec 12 chélateurs déjà connus. «L’activité antiproliférative de ce nouveau composant s’est révélée supérieure à celle de tous les comparatifs», analysent les auteurs. Cette activité a aussi pu être observée dans des lignées de cellules chimiorésistantes à la vinblastine. Une étape supplémentaire a permis de confirmer que la sensibilité des cellules tumorales est indépendante du statut p53 (existence ou non de mutations).
Des xénogreffes tumorales.
In vivo, les auteurs ont analysé l’effet du Dp44mT sur différentes xénogreffes tumorales. Ils ont ainsi pu démontrer que l’activité du Dp44mT était jusqu’à seize fois supérieure à celle de la triapine lorsque ces deux produits étaient utilisés sur une durée de deux semaines. A sept semaines, l’effet de la nouvelle molécule sur des cellules mélaniques greffées se maintenait de façon similaire. L’utilisation invivo du Dp44mT n’a pas induit de modifications de la concentration en fer des cellules tumorales et ne s’est pas accompagnée de modification structurelles des organes hématopoïétiques.
Partant de ces constatations, les auteurs suggèrent que «le chélateur agit au moment de l’entrée du fer dans la cellule et conduit à la formation de complexes ferriques cytotoxiques».
La question qui se pose désormais tient à la cardiotoxicité dose-dépendante du produit. Elle pourrait être en rapport avec la formation de radicaux libres. La prévention de cet effet indésirable pourrait être obtenue en coadministrant des chélateurs tels que l’ICRF-187 ou la dexrazoxane ou par optimisation des doses médicamenteuses.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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