DE NOTRE CORRESPONDANTE
«INDIGNES.» C’est ainsi que l’ancien ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, avait qualifié les chambres d’isolement. Tout, dans la conception de ces chambres, porte les empreintes de la structure asilaire : de l’absence de sonnette pour le malade, qui est contraint de tambouriner à la porte, à la proximité des toilettes avec le lit, en passant par la porte d’entrée assortie d’une fenêtre en forme de meurtrière et grillagée. «Cet aspect architectural peut déteindre sur nos pratiques et le malade peut se sentir puni, alors que ce n’est pas là l’objectif recherché», observe le Dr Natalie Giloux, psychiatre au CHS Le Vinatier. Les infirmiers de l’unité d’accueil d’urgence, qu’elle a dirigée quelques années, l’avaient alertée dès son arrivée dans le service.
Sur la base d’un premier texte écrit par le Dr Giloux, l’unité culturelle de l’établissement, la Ferme, avait décidé en 2004 de lancer le débat. Elle elle avait proposé aux jeunes designers de l’école stéphanoise Dual Design de plancher sur ce que pouvait être une chambre d’isolement plus digne. Les résultats de ce travail, présentés l’année dernière sous la forme de photographies, de textes et de maquettes, ont eu le mérite de provoquer beaucoup d’échanges, même s’ils ont semblé «financièrement utopiques», selon Natalie Giloux.
De son côté, la psychiatre a réalisé un court-métrage de 14 minutes dans lequel cinq de ses patients témoignent de leur séjour en chambre d’isolement. «Ce qui est intéressant, c’est de constater qu’ils évoquent d’abord la gravité de leur situation avant de parler du cadre», observe-t-elle.
Enfin, la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques (Codhopsy) a publié en juin 2005 un rapport très négatif sur l’aspect architectural des chambres d’isolement.
Humaniser.
Une commission de soignants, constituée sous la houlette du Dr Giloux, a donc été chargée de faire des propositions d’évolution architecturale à la direction de l’établissement. «Un premier contact a récemment été pris avec un cabinet d’architectes lyonnais afin d’élaborer un projet», précise-t-elle. L’annonce par le ministre de la Santé, le 14 janvier dernier, «d’un financement de 18millions d’euros pour satisfaire rapidement les demandes d’équipements et de petits travaux de sécurité des établissements psychiatriques», est arrivée à point nommé. Le Dr Giloux espère qu’une partie de la somme allouée dans le volet « sécurisation des chambres » servira à revoir l’architecture de celles qui sont réservées à l’isolement. Il en serait temps, car plus l’hôpital psychiatrique s’ouvre sur la ville, plus la pratique de l’isolement s’intensifierait. «Les traitements sont moins sédatifs et certains schizophrènes, très résistants aux thérapeutiques, deviennent vraiment dangereux, conclut Natalie Giloux ; la seule solution reste donc de les isoler.» Sans les mettre en « cellule » pour autant.
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