De notre correspondant
Les lacunes de la formation médicale initiale et continue en matière de lutte antidouleur, tant pour les médecins que pour les professions paramédicales, l'insuffisance des budgets hospitaliers de formation dévolus à cette question, enfin, le statut imprécis des enseignants spécialisés dans les universités médicales ont été au cur des débats du colloque national de l'association Hôpital 2000 intitulé « Les médecins sont-ils prêts à affronter la douleur des patients ? », qui vient de réunir à Lyon* plus de 300 médecins et infirmières.
Membre du comité scientifique de l'association, le Dr Malou Navez (centre antidouleur du CHU de Saint-Etienne) a notamment livré les résultats de son enquête dans la région sur le devenir, deux ans après leur livraison, des 200 pompes à morphine offertes par l'association en 1999 à quelque 88 services de soins de Rhône-Alpes. A l'exception de cinq services qui, pour diverses raisons, ne les ont pas utilisées, ces pompes ont partout déclenché, résume le Dr Navez, un double phénomène positif et encourageant.
D'abord, la prise de conscience de la nécessité absolue de la formation de tous les personnels de l'équipe - il est vrai que les directions d'établissement s'y étaient engagées au préalable, avant l'arrivée des pompes auto-injectables. Ensuite, et cela est plus inattendu, la définition puis la mise en route de nombreux nouveaux protocoles, appliqués notamment aux douleurs postopératoires.
Grâce aux pompes, commente pour « le Quotidien » le Dr Navez, « chaque service a peu à peu commencé, au fond, à se forger sa propre culture de la lutte antidouleur, et à s'approprier techniques, savoirs et savoir-faire ». Cette observation du Dr Navez illustre la tonalité générale du colloque de Lyon, qui a oscillé en permanence entre deux discours : le constat proche de l'autosatisfaction que les progrès de la lutte antidouleur en France, surtout depuis cinq ans, sont énormes ; et celui de la longueur du chemin qu'il reste à parcourir pour que cette lutte soit gagnée partout.
Jack Lang interpellé
Car pour le Pr Patrice Queneau (CHU de Saint-Etienne), qui, fidèle à son habitude de franc-parler, intervenait au nom des universitaires, rien ne sera définitivement acquis pour la lutte contre la douleur dans les établissements de soins français tant que l'enseignement universitaire de cette spécialité ne sera pas « franchement visible et lisible », c'est-à-dire « assuré par des spécialistes à part entière, titulaires de poste de maître de conférences ou de professeur ».
Le ministère de la Santé a été depuis des années, et il est toujours, confie au « Quotidien » le Pr Queneau, un « formidable moteur pour la politique de lutte contre la douleur ». En revanche, ajoute-t-il, « c'est du côté de l'Education nationale que mon plaidoyer est le moins bien entendu ». L'ex-doyen de la faculté de Saint-Etienne explique que, à plusieurs reprises ces dernières semaines, il a tenté - en vain - de convaincre le cabinet de Jack Lang, plaidant pour « qu'enfin des pédiatres, des cancérologues, des neurologues ou encore des gériatres » puissent bénéficier d'un statut d'enseignant universitaire « spécialiste de la douleur ». Et que cette orientation, loin d'être une sorte d'originalité ou même de constituer pour leur carrière un handicap, devienne un motif de « valorisation et de progression » dans leur carrière. « Jusqu'à présent, je n'ai pas été entendu », regrette le Pr Queneau.
(1) « Le Quotidien du Médecin » du 31 octobre.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature