DE NOTRE CORRESPONDANTE
AU COURS DES deux dernières années, les chercheurs ont réussi à reprogrammer in vitro des cellules somatiques de souris ou d'humains adultes pour obtenir des cellules souches pluripotentes induites (cellules SPi), très similaires aux cellules souches embryonnaires.
Cet exploit technologique a été réalisé en insérant dans le génome des cellules adultes, au moyen d'un vecteur viral (rétrovirus ou lentivirus), 4 gènes encodant des facteurs de transcription (Oct4, Sox2, klf4 et c-myc ; ou Oct4, Sox2, LIN28 et Nanog). Ces 4 gènes sont normalement inactivés lorsque les cellules embryonnaires se différencient en cellules spécialisées.
Grâce à cette méthode de reprogrammation in vitro, il devient possible de produire des cellules souches sur mesure, spécifiques des patients, qui pourraient être utilisées dans les futures thérapies cellulaires de remplacement pour traiter les maladies dégénératives.
L'utilité thérapeutique des cellules SPi a déjà été montrée chez la souris ; des cellules de peau reprogrammées ont pu améliorer, dans des modèles murins, les symptômes de la maladie de Parkinson et ceux de la drépanocytose.
Expression de façon transitoire.
Il restait toutefois un problème majeur : l'utilisation d'un virus intégrant le génome, afin d'exprimer les facteurs nécessaires à la reprogrammation des cellules, est potentiellement tumorigène. Le développement de tumeurs a pu être constaté après transplantation des cellules SPi chez la souris.
Afin de surmonter ce problème, l'équipe du Dr Konrad Hochendlinger (Harvard Stem Cell Institute, Boston) a opté pour un vecteur adénoviral qui exprime de façon transitoire les 4 facteurs de reprogrammation (Oct4, Sox2, klf4, c-myc) sans s'intégrer dans le génome des cellules hôtes.
En utilisant ce vecteur adénoviral, des cellules de la peau (fibroblastes) et du foie de souris ont pu être reprogrammées avec succès pour donner des cellules SPi.
Comme le montrent les chercheurs, ces cellules « adeno-SPi » expriment bien les gènes endogènes de pluripotence et, après transplantation chez des souris immunodéficientes, se différencient dans toute la gamme cellulaire des 3 couches germinales, y compris en cellules du muscle, du cartilage, cellules épithéliales et cellules de la lignée germinale.
«Nous avons montré que des cellules SPi de souris peuvent être obtenues par livraison transitoire de gènes», explique au « Quotidien » le Dr Matthias Stadtfeld, du Harvard Stem Cell Institute, Boston. «Cela démontre pour la première fois que l'intégration virale dans le génome n'est pas une condition nécessaire à la reprogrammation. »
«Nous avons utilisé à la place des rétrovirus ou lentivirus habituels des vecteurs adénoviraux qui expriment les facteurs de reprogrammation (C-MYC, KLF4, OCT4 et SOX2) ; les vecteurs adénoviraux ne s'intègrent pas dans le génome de leurs cellules hôtes et, en fait, ils sont éliminés avec le temps et deviennent indécelables.Nous montrons que les cellules SPi ainsi produites présentent un potentiel de développement similaire aux cellules souches embryonnaires et, comme ces dernières, sont dépourvues d'ADN viral dans leur génome, à la différence des cellules SPi conventionnelles. »
«Les cellules SPi obtenues jusqu'ici avec une intégration de virus sont responsables des tumeurs chez des animaux de laboratoire et sont donc inadéquates pour l'usage humain. La possibilité de produire des cellules SPi sans intégration viraleélimine un sérieux “obstacleconceptuel” et nous rapproche un peu des cellules souches pluripotentes spécifiques des patients, souligne-t-il. Une recherche intense s'attacheramaintenant à transférer nos résultats aux cellules humaines, puis à générer à partir de ces cellules des tissus pouvant être transplantés.»
De cinq à dix ans avant les applications.
«Il est très difficile de prédire dans combien de temps ces efforts seront récompensés par les premières applications cliniques de la technologie des cellules SPi. Dans le meilleur des cas, je m'attendrais à cinq à dix ans.»
L'équipe américaine va poursuivre ses travaux : «Nous tâcherons d'augmenter l'efficacité de la reprogrammation adénovirale, par exemple en associant des facteurs chimiques qui facilitent potentiellement la reprogrammation. Maintenant que nous disposons de cellules SPi non porteuses d'altérations permanentes dans leur séquence ADN génomique, nous pouvons tester ces cellules pour savoir si elles sont vraiment équivalentes aux cellules SE car il est possible que les cellules SPi et les cellules SE possèdent des différences intrinsèques.»
« Sciencexpress », 25 septembre 2008, Stadtfeld et coll.
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