Un formidable bond en avant

Des cellules souches pluripotentes humaines à partir de la peau

Publié le 22/11/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

CETTE COURSE avait été engagée en juin 2006, lorsque Shinya Yamanaka et son équipe de l'université de Kyoto au Japon avaient réalisé un exploit chez la souris, montrant qu'il suffisait d'insérer 4 gènes (Oct4, Sox2, c-myc et klf4) dans des cellules de la peau (fibroblastes prélevés sur la queue des souris) pour les reprogrammer en cellules souches.

Ces gènes, codant pour des facteurs de transcription, sont normalement inactivés une fois que les cellules embryonnaires se différencient en types cellulaires variés.

La course s'est accélérée en juin dernier, lorsque l'équipe de Yamanaka et un autre groupe ont montré que ces cellules souches induites de souris sont vraiment pluripotentes c'est-à-dire capables de se différencier dans la majorité des lignées cellulaires de l'animal.

Femme de 36 ans, homme de 69 ans.

Dans la nouvelle étude, Yamanaka et coll. ont utilisé un rétrovirus pour insérer dans des cellules adultes (fibroblastes de la peau) les quatre gènes précédemment employés pour reprogrammer les cellules de souris : OCT3/4, SOX2, KLF4 et c-MYC.

Ils ont ainsi reprogrammé des cellules prélevées sur la peau du visage d'une femme de 36 ans, ainsi que dans le tissu conjonctif d'un homme âgé de 69 ans.

«A partir d'environ 50000cellules humaines transfectées, nous avons obtenu approximativement 10lignées de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) », précise Yamanaka. Une lignée cellulaire iPS est ainsi obtenue pour 5 000 cellules somatiques traitées.

«Cette efficacité pourrait sembler extrêmement faible, mais cela veut dire que, avec une expérience conduite dans une boîte de 10cm, on peut obtenir de multiples lignées de cellules iPS. »

L'autre équipe, dirigée par Junying Yu et James Thomson, de l'université du Wisconsin, à Madison, avait déjà sa propre liste de 14 gènes candidats pour la reprogrammation lorsque les résultats de Yamanaka et coll. ont été annoncés.

A travers un processus d'élimination systématique, les Américains ont progressivement réduit cette liste à quatre facteurs nécessaires et suffisants : OCT3 et SOX2 (également utilisés par Yamanaka et coll.) et deux gènes différents, NANOG et LIN28.

NANOG est un autre gène associé aux cellules souches embryonnaires et LIN28 est un facteur qui semble être impliqué dans le traitement de l'ARN messager.

Yu et coll. n'ont pas reprogrammé des cellules adultes, mais des fibroblastes de foetus et des fibroblastes du prépuce de garçons nouveau-nés.

Leur rendement est moindre que celui de Yamanaka et coll. – une lignée cellulaire iPS obtenue pour chaque 10 000 cellules somatiques –, mais l'efficacité est suffisante pour créer plusieurs lignées cellulaires en une seule expérience.

Dans les deux cas, les cellules souches humaines induites sont pluripotentes, et expriment des marqueurs de surface et des gènes qui caractérisent les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). L'expression des gènes est très similaire, mais pas complètement identique à celle des CSEh.

Les problème des vecteurs rétroviraux.

Si la technique de Yu et coll. a l'avantage de n'inclure aucun oncogène (tel que c-MYC), les deux techniques ont l'inconvénient d'utiliser des vecteurs rétrovirus qui s'intègrent dans le génome et peuvent potentiellement introduire des mutations au site d'insertion, favorisant le développement de cancers.

Le prochain pas, crucial pour leur utilisation clinique en thérapies cellulaires de remplacement, sera de trouver le moyen de reprogrammer les cellules en activant les gènes plutôt que d'insérer de nouvelles copies.

En attendant, ces cellules souches humaines induites seront très utiles pour la production de nouveaux modèles de maladie, ainsi que pour la prospection pharmacologique. Il devrait être plus facile maintenant de générer des panels de lignées cellulaires qui reflètent plus étroitement la diversité génétique d'une population, et il pourrait être possible de générer des lignées cellulaires d'individus prédisposés à des maladies spécifiques.

Toutefois, les futurs travaux devront déterminer si ces cellules iPS humaines diffèrent d'une manière cliniquement importante des cellules souches embryonnaires humaines.

Yu et coll. « Sciencexpress », 22 novembre 2007, N&V p. 1224 ; Cell Yamakana et coll.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8263