RENDRE une autonomie aux paraplégiques et tétraplégiques en greffant des cellules souches susceptibles de réparer la moelle épinière : le projet européen Rescue financé à hauteur de 2,7 millions d’euros donne de l’espoir aux 40 000 blessés médullaires français. Le Pr Alain Privat, directeur de l’unité de recherche Inserm 583 de l’institut des neurosciences de Montpellier, y croit depuis quinze ans. «Pourtant, les obstacles à ce type de recherche étaient nombreux: beaucoup considéraient en effet que, une fois constituées, les lésions de la moelle étaient totalement irréversibles. Mais les études animales préliminaires que nous avons menées ont montré qu’une récupération fonctionnelle pouvait être obtenue à la phase aiguë, subaiguë ou tardive de la lésion.»
Le chercheur est désormais le coordinateur du projet européen Rescue qui associe son équipe à dix laboratoires de cinq autres pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, Espagne et République tchèque).
Transposer à l’homme d’ici à 2008.
Objectif : transposer à l’homme d’ici à 2008 des pistes thérapeutiques animales fondées sur l’utilisation de cellules souches dans la réparation des lésions médullaires. «L’un des obstacles à la transposition de nos études préliminaires animales tenait au nombre de cellules nécessaires pour effectuer une greffe équivalente chez l’homme: au moins 15foetus humains âgés de 8 à 10semaines. Les connaissances acquises depuis cinq ans sur les cellules souches foetales et adultes nous permettent désormais d’envisager le même type de greffe à partir d’un nombre limité de cellules en appliquant des méthodes de multiplication et de prédifférentiation cellulaires qui sont désormais tout à fait maîtrisées», analyse le Pr Privat.
Deux types d’approches de thérapie substitutive appliquée aux lésions médullaires traumatiques ont déjà été développées chez l’animal et devraient, grâce au projet Rescue, être transposées à l’homme.
Centre locomoteur lombaire sérotoninergique dépendant.
La première de ces approches consiste à apporter à une moelle épinière sous-lésionnelle l’équivalent d’une information supraspinale essentielle pour la réalisation d’une fonction. C’est le cas par exemple du contrôle de la locomotion dont l’opérateur est le centre locomoteur lombaire sérotoninergique dépendant. Des greffes de neurones sérotoninergiques embryonnaires prédifférenciés réalisées chez des rats adultes paraplégiques, sous le niveau de la lésion, ont rétabli une locomotion réflexe, quand elles étaient réalisées au niveau lombaire et un contrôle des fonctions génitales et urinaires quand elles étaient réalisées au niveau sacré. «L’utilisation de tels neurones embryonnaires humains en grande quantité étant impossible pour des raisons éthiques et techniques, on pourrait envisager d’utiliser des cellules souches neurales prédifférentiées en précurseurs de neurones sérotoninergiques. Le projet Rescue devrait permettre d’évaluer l’intérêt des greffes de cellules souches humaines embryonnaires et adultes chez des modèles animaux paraplégiques. Si, comme nous le pensons, cette technique peut être développée, un essai clinique devrait être mis en place dès 2008 chez des paraplégiques à distance du traumatisme médullaire», poursuit le Pr Privat.
La seconde piste consiste à apporter en phase subaiguë à une moelle épinière lésée des cellules neurales non neuronales (cellules gliales) susceptibles de favoriser une régénération in situ. Chez l’animal, des astrocytes immatures favorisent la repousse d’axones lésés alors que les oligodendrocytes contribuent à remyéliniser ces mêmes axones. Une récupération fonctionnelle partielle a ainsi pu être obtenue chez le rat paraplégique. De telles approches ne sont pas pour autant transposables en stratégie thérapeutique. «Une restriction notable est constituée par le risque de transformation tumorale des cellules souches greffées. Une autre restriction concerne le devenir à long terme de ces cellules.» Le projet Rescue devrait permettre d’apporter des réponses à ces questions en analysant le devenir de différentes sélections de cellules souches de différentes origines (neurales, moelle osseuse, gliales...). «D’ici à 2007, nous pensons pouvoir être capables de sélectionner la combinaison la plus prometteuse de cellules souches et arriver aux limites des essais précliniques», explique le Pr Privat. «Ce type d’approche pourrait aussi être développé pour pallier les dysfonctions neurologiques de la sclérose latérale amyotrophique.»
Neuroprotection et cicatrice gliale.
Outre ce travail sur les cellules souches, l’équipe Inserm 583 de Montpellier continue à travailler sur deux autres axes de recherche en matière de réparation postlésionnelles du système nerveux central : la neuroprotection et la cicatrice gliale (voir « le Quotidien », n° 7267, 5 février 2003). L’étude des phénomènes postlésionnels précoces a montré l’intervention de molécules toxiques responsables de l’aggravation progressive des lésions. Parmi ces toxiques, le glutamate joue un rôle essentiel, en raison de son intervention précoce et de sa capacité à déclencher des cascades métaboliques conduisant à la libération d’autres toxiques tels que les radicaux libres. Depuis quatre ans, les chercheurs testent la gacyclidine, une molécule dérivée des phencyclidines, qui présente une affinité sélective pour l’un des récepteurs du glutamate, le Nmda. Le mécanisme d’action de cette molécule, qui pourrait être utilisée à la phase aiguë de la lésion médullaire, commence à être mieux connu et des essais cliniques sont en cours.
Enfin, l’équipe Inserm travaille sur la régénération axonale et la cicatrisation gliale. Chez les souris trangéniques inactivées pour des protéines constitutives de la cicatrice astrocytaire – vimentine et GFAP – l’hémisection de moelle conduit à une cicatrice abortive et à une repousse axonale qui se traduit par une récupération significative des performances motrices. Après cette preuve de principe, les chercheurs ont utilisé une approche fondée sur l’utilisation de SI ARN GFAP avec vecteur viral lenticulaire, et leurs résultats ont été similaires à ceux obtenus avec les souris trangéniques.
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