UN PAS DE PLUS vers la médecine régénératrice « idéale ». Une équipe de l'université d'Harvard est parvenue à obtenir la reprogrammation directe, in vivo et in situ, de cellules pancréatiques exocrines en cellules bêtaproductrices d'insuline. Certes l'expérience a été conduite chez la souris et la méthode utilisée n'est pas directement applicable aux patients humains. Cette prouesse démontre cependant qu'il est possible de diriger des cellules endogènes afin qu'elles participent à la réparation de tissus qui ne peuvent normalement pas se régénérer par eux-mêmes. Cette stratégie est considérée comme « idéale » puisqu'elle se déroule en une seule étape et entièrement in vivo, sans qu'il soit nécessaire de passer par l'obtention de cellules souches pluripotentes dont il faut ensuite induire la différenciation en cellules thérapeutiques.
Douglas Melton et ses collaborateurs ont utilisé une méthode semblable à celle qui permet de produire les cellules souches pluripotentes induites. Elle se fonde sur l'introduction de gènes codant pour des facteurs de transcription spécifiques dans le génome des cellules à reprogrammer. L'obtention des cellules souches pluripotentes induites nécessite l'introduction de trois gènes codant pour des facteurs de transcription associé à la pluripotence. Pour parvenir à reprogrammer directement des cellules somatiques adultes en cellules différenciées telles que des cellules bêtapancréatiques, il fallait parvenir à l'identification des « bons » facteurs de transcription à introduire.
Melton et son équipe ont dressé la liste des facteurs de transcription exprimés dans les cellules bêta matures et dans leurs précurseurs. Ils ont ensuite étudié des lignées de souris mutantes afin de déterminer quels étaient les facteurs à la fois spécifiques et indispensables à la formation des îlots bêta. Cette méthode les a conduits à retenir 9 facteurs de transcription.
Les chercheurs ont alors produit neuf vecteurs adénoviraux exprimant chacun l'un des facteurs de transcription retenus.
Lors d'une première expérience, Melton et ses collaborateurs ont injecté un mélange des neuf adénovirus dans le pancréas de trois souris. Un mois après l'injection, le pancréas de deux des trois animaux traités présentait un nombre modeste de cellules productrices d'insuline en dehors des îlots bêta, au niveau du site d'injection.
Suffit à reprogrammer 20 % des cellules exocrines.
Les chercheurs ont ensuite renouvelé l'expérience en utilisant d'autres associations d'adénovirus, afin de découvrir la plus petite combinaison de facteurs de transcription susceptible de conduire à la reprogrammation des cellules pancréatiques exocrines. Leurs efforts les ont finalement conduits à l'identification d'une combinaison de seulement trois gènes permettant d'obtenir la reprogrammation recherchée : les gènes codant pour les facteurs Mgn3, Pdx1 et Mafa. L'introduction de ces trois gènes suffit à reprogrammer 20 % des cellules exocrines infectées en cellules bêtapancréatiques.
Il n'est bien sûr pas question d'utiliser ce type de protocole chez l'humain : l'usage de vecteurs viraux et l'insertion de gènes supplémentaires sont bien trop risqués. Mais à la vitesse où progressent les recherches relatives à la reprogrammation cellulaire, il n'est pas déraisonnable de penser qu'on découvrira prochainement comment activer les gènes Mgn3, Pdx1 et Mafa endogènes sans avoir à en insérer de nouvelles copies dans les cellules à reprogrammer.
Q. Zhou et coll., « Nature », édition en ligne avancée.
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