Avec les démonstrations qui se succèdent, de l'existence de cellules souches là où on n'en attendait pas, et d'une certaine plasticité des cellules différenciées, la possibilité de régénérer certains tissus à partir de cellules convenablement manipulées in vitro commence à agiter les esprits. C'est en particulier vrai pour la rétine.
L'an dernier, une équipe canadienne (V. Tropepe et coll.) avait ainsi montré l'existence, chez la souris, de rares cellules souches rétiniennes dans le bord ciliaire de l'épithélium pigmentaire rétinien (« le Quotidien » du 17 mars 2000). Dans certaines conditions de culture, ces cellules pluripotentes se sont montrées capables de se différencier en photorécepteurs.
En soi, l'existence de ces cellules n'est pas très surprenante, puisqu'on sait que les vertébrés non mammifères, tels que les poissons, possèdent une capacité de régénération rétinienne grâçe à des cellules souches qui prolifèrent et se différencient en cas de lésion. Mais leur mise en évidence chez les mammifères ouvre la possibilité théorique de reproduire chez ces derniers, la régénération rétinienne spontanée observée chez les poissons.
Obtenues par irridectomie périphérique
Le problème est de savoir ce qui, dans la rétine de mammifère, maintient ces cellules souches dans un état de quiescence : un environnement inhibiteur, sans doute, mais que l'on ne sait pas caractériser et encore moins manipuler.
En attendant de pouvoir, peut-être, déréprimer ces cellules souches in situ, on envisage la greffe de cellules manipulées ex vivo. Dans le cas présent, l'autogreffe poserait toutefois le problème du prélèvement : on voit mal, en effet, comment accéder au bord ciliaire de l'épithélium rétinien (qui recouvre le muscle ciliaire lisse interne, face au critallin). C'est ce qui fait tout l'intérêt du travail japonais, les cellules d'iris qui ont pu être différenciées en cellules productrices de rhodopsine pouvant, elles, être facilement obtenues par irridectomie périphérique.
Les chercheurs se sont orientés vers les cellules de l'iris en raison du « cousinage » entre ces cellules et les cellules rétiniennes, qui ont une même origine embryologique. Expérimentalement, des cellules d'un fragment d'iris cultivé en présence de Fibroblast Growth Factor se sont montrées capables de migrer en dehors du tissu et de proliférer en monocouche. Leur différenciation en photorécepteurs n'est toutefois pas spontanée. Le gène homéotique Crx, spécifiquement exprimé dans les photorécepteurs rétiniens, doit apparemment aussi être exprimé dans les cellules d'iris pour obtenir la différenciation voulue. En l'occurrence, faute de pouvoir réactiver Crx, il a fallu transférer un gène surnuméraire par un vecteur viral dans les cellules d'iris pour obtenir la différenciation de celles-ci en cellules productrices de rhodopsine.
L'expression de Crx
Ce transfert de gène est naturellement une difficulté supplémentaire dans une perspective d'application. La procédure n'est toutefois peut-être pas indispensable. A ce stade, l'essentiel était de montrer que des cellules aisément accessibles ont le potentiel pour se différencier en photorécepteurs. Le potentiel étant là, on peut imaginer qu'il sera possible d'induire Crx, plutôt que d'ajouter un gène surnuméraire. Les auteurs notent d'ailleurs qu'il serait intéressant d'approfondir les conditions de milieu permettant aux cellules souches rétiniennes de sortir de quiescence. Si l'expression de la rhodopsine dépend bien de l'expression de Crx, il faut bien en effet que cette dernière ait été induite d'une manière ou d'une autre lors de la différenciation des cellules souches en photorécepteurs.
En toute hypothèse, ces travaux n'en sont qu'à leurs débuts. Les perspectives ont toutefois dès maintenant un certain caractère de vraisemblance. Pas seulement pour la rétine, d'ailleurs, mais pour la thérapie cellulaire en général, les travaux canadiens, comme les derniers résultats japonais suggérant que des potentiels de différenciation « exploitables » se trouvent sans doute dans bien des tissus, lorsqu'on les cherche.
M. Haruta et col. « Nature Neuroscience », publié online le 12 novembre 2001.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature