par le Pr Yves Le Bouc et les Drs Sylvie Cabrol et Sylvie Rossignol*
LE RCIU concerne entre 2,5 et 5 % de l’ensemble des naissances et environ 20 % des naissances prématurées. L’âge de début de l’hypotrophie conditionne le devenir de l’enfant. Les hypotrophies à début très précoce (avant 26 semaines) sont souvent en rapport avec une atteinte foetale intrinsèque ; leur pronostic vital et neurologique est plus réservé que dans les autres Rciu. Les hypotrophies à début plus tardif sont généralement en rapport avec une atteinte foetale extrinsèque, d’origine vasculo-nutritionnelle, et souvent de meilleur pronostic (en dehors de cas particuliers, comme le syndrome alcoolo-foetal). Le Rciu est dit dysharmonieux ou asymétrique lorsque le retard pondéral prédomine, la taille et/ou le périmètre crânien étant dans les normes. Il est le plus souvent d’origine vasculaire ou nutritionnelle et débute rarement avant 26 semaines. Son pronostic est bon. A l’inverse, le Rciu est dit harmonieux ou symétrique lorsque le poids, la taille et le périmètre crânien sont diminués. Il s’agit d’une population hétérogène et le pronostic est plus réservé. Globalement, environ 80 à 90 % des Rciu récupéreront une taille et un poids normaux dans les deux premières années de vie postnatale.
Le rôle important joué par le système des Insulin-like Growth Factors (IGF1, IGF2 et leurs récepteurs) dans le développement foetal est de mieux en mieux compris, et la recherche actuelle essaie de relier certaines causes de Rciu à des anomalies géniques de ce système. De grands progrès ont été accomplis grâce à l’élaboration de modèles animaux d’inactivation génique.
Des anomalies géniques des IGF1 et IGF2.
Ainsi, celle du gène d’IGF1, comme celle d’IGF2, montre qu’ils sont impliqués dans les processus de croissance et de différenciation embryonnaires. Les souris mutées IGF1–/– et IGF2–/– naissent avec un poids réduit à 60 % du poids normal. Le retard de croissance chez les souris IGF1–/– se poursuit après la naissance ; alors que les souris inactivées pour le gène IGF2 ne présentent pas d’aggravation en postnatal. Enfin, le gène d’IGF2 étant soumis à l’empreinte parentale (seul l’allèle d’origine paternelle est exprimé), le phénotype de retard de croissance s’exprime à l’état hétérozygote lors de l’invalidation du gène paternel.
Ainsi, chez l’homme, des anomalies de l’empreinte parentale (absence d’expression d’IGF2 par l’allèle paternel) ont été mises en évidence comme cause majeure chez des enfants présentant un Rciu associé à un syndrome de Russell-Silver. A l’inverse, une expression anormale d’IGF2 par l’allèle d’origine maternelle induit un syndrome de croissance excessive dans le syndrome de Beckwith-Wiedemann.
L’inactivation chez la souris du gène du récepteur IGF1-R (qui médie les effets de croissance d’IGF1 et d’IGF2) entraîne un Rciu encore plus sévère (45 % du poids de l’animal sauvage) ; souvent, les animaux ne sont pas viables. Quant à l’inactivation du gène du récepteur de type 2 des IGF (IGF2-R) qui assure la clairance d’IGF2, elle induit une croissance excessive à la naissance (130 % du poids normal) par l’augmentation de sa biodisponibilité pour le récepteur IGF1-R. Chez l’homme, des anomalies de liaison d’IGF1 à son récepteur ont été trouvées chez des Rciu non syndromiques, avec une corrélation positive entre la diminution de l’affinité du récepteur et le petit poids de naissance, confirmant les observations animales. Des mutations du gène du récepteur IGF-1R ont été de plus identifiées chez quelques patients présentant un Rciu sans rattrapage statural postnatal, une microcéphalie, une surdité, un retard de développement et des taux élevés d’IGF1 évocateurs de résistance périphérique. Enfin, il a été montré, grâce à un système particulier d’inactivation partielle (Cre-lox), que la diminution du nombre de récepteurs IGF1-R à la surface cellulaire (jusqu’à 40 à 50 % des récepteurs) est associée à une croissance pondérale normale avant la naissance, mais à un retard postnatal, s’aggravant notamment lors de la puberté. Des atteintes plus sévères s’accompagnent d’une diminution très marquée du nombre d’adipocytes. Cette observation est à rapprocher des anomalies du tissu adipeux observées en cas de Rciu chez l’homme.
Des conséquences cliniques et métaboliques.
Le Rciu peut avoir des conséquences sur le système endocrinien. Cliniquement, il peut être observé un développement prématuré de la pilosité pubienne et/ou de l’acné chez les enfants nés avec un Rciu, dû à une sécrétion exagérée d’androgènes surrénaliens, facteur favorisant chez la fille l’installation d’ovaires polykystiques, et, dans les deux sexes, l’insulinorésistance et la dyslipidémie. D’autres anomalies de la fonction gonadique sont parfois rapportées : chez la fille, ménarche et ménopause précoces, risque accru de cancer ovarien ; chez le garçon, risque accru de cryptorchidie, d’hypospadias, de pseudohermaphrodisme inexpliqué et de cancer testiculaire.
Le Rciu pourrait aussi avoir des conséquences métaboliques. Les travaux de Barker ont montré une augmentation de la prévalence du syndrome X (obésité, HTA, Dnid, dyslipidémie) chez les adultes nés avec un Rciu. Ce risque serait multiplié par 18 lorsque le poids de naissance est inférieur à 2,4 kg. Un gain pondéral faible durant la première année augmenterait également le risque, comparé aux enfants qui récupèrent un poids normal durant cette même période. En revanche, après l’âge de 3 ans, une prise de poids excessive serait également nocive sur le plan métabolique.
En ce qui concerne l’avenir statural des enfants nés avec un Rciu, la phase éventuelle de rattrapage se situe lors des deux (ou trois) premières années de vie et non à la puberté. Le risque relatif de taille adulte inférieure à 2DS est multiplié par 5 pour les enfants nés avec un petit poids de naissance et par 7 pour ceux nés avec une petite taille.
Enfin, le Rciu a-t-il des conséquences sur le plan cognitif ? Différents travaux suggèrent que les enfants nés avec un Rciu ont des performances intellectuelles inférieures à celles des enfants du même âge. Plus le Rciu débute tardivement au cours de la grossesse, meilleur est le pronostic. Le risque de retard intellectuel ou scolaire est plus important chez les Rciu symétriques. Il est intéressant de noter qu’une étude récente montre une amélioration significative des performances intellectuelles, du comportement et de l’estime de soi après un traitement par l’hormone de croissance et une amélioration staturale.
L’objectif du traitement par hormone de croissance est d’induire un rattrapage statural en quelques années, de normaliser la taille durant l’enfance (par rapport au potentiel génétique de l’enfant) et de maintenir ce gain statural jusqu’à la fin de la croissance. Le traitement doit être précoce pour assurer un rattrapage satisfaisant.
* Service d’explorations fonctionnelles endocriniennes pédiatriques, hôpital Trousseau, Paris, Inserm U515 Saint-Antoine Paris.
Définitions
On parle de nouveau-nés hypotrophes (Small for Gestational Age, SGA) lorsque le poids ou la taille à la naissance est inférieur au 5e percentile par rapport aux courbes de référence pour l’âge gestationnel. Et on devrait réserver le terme de Rciu aux anomalies de développement durant la vie intra-utérine identifiées par des mesures échographiques ; mais il est très souvent employé à la place de hypotrophe (SGA).
Les causes de Rciu
Dans 20 % des cas, le Rciu est d’origine foetale, dans 50 % d’origine maternelle et dans 30 % de cause inexpliquée. Les causes maternelles sont : l’HTA, la prééclampsie, une maladie rénale, un diabète avec atteinte vasculaire, une hypoxie, une malnutrition en fin de grossesse ou une pathologie placentaire. La prise maternelle de toxiques est responsable de Rciu symétriques à rapprocher de ce groupe. Les causes foetales sont : des anomalies chromosomiques et géniques, les infections congénitales, virales et parasitaires.
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