@CO:DE NOTRE CORRESPONDANTE
PLUSIEURS voies moléculaires sont connues pour jouer un rôle dans le développement et la progression du cancer du sein, mais peut-être la voie la plus importante est celle du récepteur estrogène alpha.
Plus des deux tiers des cancers du sein expriment le récepteur estrogène au moment du diagnostic et sa détection immunohistochimique est utilisée pour décider d'une hormonothérapie.
Les stratégies thérapeutiques actuelles antirécepteur estrogène comprennent : le blocage par des modulateurs sélectifs (comme le tamoxifène et le raloxifène), la déstabilisation et la dégradation du récepteur estrogène par des régulateurs négatifs (comme le fulvestrant) et la suppression de la production d'estrogènes (inhibiteurs d'aromatase, tels que l'anastrozole, le létrozole ou l'exémestane). Chacun de ces traitements peut à lui seul entraîner une baisse importante de la croissance tumorale chez environ 30 à 50 % des patients exprimant le récepteur estrogène.
Par ailleurs, l'augmentation du nombre des copies d'un gène (amplification) est un mécanisme majeur que les cellules cancéreuses utilisent pour accroître l'expression des protéines qui leur procurent un avantage de croissance ou de survie.
Plusieurs gènes ont été trouvés amplifiés dans une fraction des cancers du sein ; parmi eux, le gène HER2 (dans 20 à 30 % des cancers du sein).
Le succès d'Herceptin pour le traitement des cancers du sein hébergeant une amplification d'HER2 ou surexprimant HER2 montre que les gènes amplifiés pourraient constituer d'excellentes cibles thérapeutiques.
Une équipe, dirigée par le Dr Ronald Simon (université médicale de Hambourg, Allemagne), a découvert, au cours d'un dépistage d'amplifications géniques dans le cancer du sein, une amplification du gène ESR1 (chromosome 6q25), le gène codant pour le récepteur estrogène alpha.
Ils ont alors analysé plus de 2 000 échantillons cliniques de cancers du sein, et ont pu constater la fréquence de l'amplification ESR1 : trouvée dans 20,6 % des cancers du sein (un cas sur cinq).
« Etant donné le rôle crucial de l'expression du récepteur estrogène pour le traitement du cancer du sein, et l'importance de l'amplification génique pour cibler pharmacologiquement la surexpression, il nous semble incroyable que l'importance de l'amplification ESR1 n'ait pas été découverte plus tôt », s'étonnent les chercheurs.
Presque toutes les tumeurs (99 %) trouvées avec une amplification ESR1 surexpriment le récepteur estrogène contre seulement deux tiers (66,6 %) des cancers sans amplification ESR1.
Ils ont ensuite évalué l'effet de cette amplification sur la réponse à l'hormonothérapie.
Chez 175 femmes qui avaient reçu une monothérapie adjuvante par tamoxifène, la survie est significativement plus longue pour les femmes hébergeant une amplification ESR1, que pour les femmes ayant un cancer exprimant le récepteur estrogène mais sans amplification ESR1.
Donc, notent les chercheurs, « l'amplification d'ESR1 pourrait jouer un rôle clé pour identifier un sous-type de cancers du sein, et peut-être d'autres maladies du sein prolifératives, qui ont une expression du récepteur estrogène particulièrement élevée et qui pourraient se prêter de façon optimale à l'hormonothérapie ».
Il convient de noter que l'équipe a également trouvé l'amplification ESR1 dans des maladies du sein bénignes et précancéreuses. « Cela suggère que l'amplification ESR1 pourrait être un mécanisme commun dans la maladie proliférative, et une altération génétique très précoce dans un grand sous-groupe de cancers du sein », concluent-ils.
« Nous avons découvert que le gène ESR1 codant pour le récepteur estrogène alpha peut subir fréquemment une amplification (jusqu'à 20 % des cas), ce qui le place parmi les altérations génétiques les plus fréquentes dans le cancer du sein », explique au « Quotidien » le Dr Ronald Simon.
Un événement précoce, voire initial.
« L'amplification ESR1 apparaît être un événement précoce, sinon initial, dans cette large fraction de cancers du sein, et pourrait représenter, par conséquent, une nouvelle voie moléculaire vers le cancer du sein. »
« Les femmes porteuses de tumeurs avec amplification ESR1 pourraient davantage bénéficier du traitement par tamoxifène que les femmes porteuses de tumeurs ER-positives sans amplification ESR1. »
Le chercheur entrevoit d'éventuelles applications possibles pour le test génétique ERS1 :
« Les femmes ayant des cancers avec amplification ESR1 pourraient répondre tellement bien au tamoxifène ou aux autres inhibiteurs ER qu'elles n'auraient pas besoin de chimiothérapie supplémentaire. Et les femmes ayant une maladie du sein proliférative (non cancéreuse) avec amplification ESR1 pourraient avoir un risque accru de cancer du sein. De telles patientes pourraient être traitées par précaution avec des inhibiteurs ER afin de prévenir le développement du cancer. »
Holst et coll. « Nature Genetics », 8 avril 2007, DOI : 10.1038/ng2006.
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