En France, le don de gamètes – sperme ou ovocyte – est anonyme, bénévole et gratuit. Ces trois piliers fondamentaux sont encadrés par la loi de bioéthique, qui détermine également les potentiels « bénéficiaires » de la procréation médicalement assistée (PMA).
Chaque année, le service de médecine et de biologie de la reproduction au CHRU de Tours reçoit entre 20 et 30 donneurs de sperme … en face, une cinquantaine de couples sont demandeurs : « il y a donc un décalage entre l’offre et la demande », indique Pr Fabrice Guérif. Un constat qui ne s’observe pas partout : les pays où ce type de don est rémunéré ne sont guère concernés.
Délais d’attente
Conséquence directe de ce déséquilibre : des délais d’attente importants pour les couples souhaitant bénéficier d’un don de sperme. « En ce moment, ces délais sont de 12 à 15 mois, sauf si le couple vient avec un donneur : dans ce cas, ils sont réduits à 9 mois », commente le Pr Guérif. Bien entendu, ce n’est pas ce don précis qui sera utilisé pour le couple « ami » mais « inviter à sensibiliser un donneur est aujourd’hui la seule façon d’alimenter la banque », ajoute le Pr Guérif. En effet, une bonne moitié des donneurs le devient après avoir échangé avec des proches directement concernés ; l’autre est majoritairement issue du monde médical ou étudiant.
Jusqu’à 2016, il fallait avoir fait l’expérience de la paternité pour pouvoir devenir donneur : ce n’est plus le cas aujourd’hui. Un élément qui a permis d’augmenter nettement le nombre de volontaires, d’autant plus que tout est fait pour que la démarche ne soit pas trop contraignante. « Nous essayons de limiter la procédure à 2 ou 3 visites », explique ainsi le praticien. Cependant, même si le don de sperme est moins complexe à mettre en œuvre que le don d’ovocytes, les résultats restent insuffisants au regard des besoins.
AMP et anonymat
Le Pr Guérif met en garde contre un risque accru de pénurie en cas d'ouverture de l'Assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes. Actuellement, il faut être un couple hétérosexuel majeur, ayant moins de 43 ans, en bonne santé et dont l’infertilité a été médicalement démontrée pour pouvoir bénéficier d’une assistance médicale à procréation (AMP). Avec l’ouverture de la PMA, davantage de personnes se manifesteront, et le manque de dons de sperme sera d’autant plus tangible. Pour Fabrice Guérif, « si le nombre de donneurs n’augmente pas, la première conséquence sera l’allongement du temps d’attente ». Et d’évoquer le chiffre possible de 24 mois.
« La question de l’anonymat du donneur pourrait être discutée dans le cadre de la révision de la loi, suite à la demande de certains enfants, détaille-t-il. Si la levée de l’anonymat devenait une réalité, on constaterait une chute importante du nombre de donneurs, comme ce fut le cas en Angleterre. » En dehors de la pratique, la révision de la loi soulève des problématiques éthiques incontournables.
Campagne de sensibilisation
De nombreuses interrogations – comme l’anonymat, la place de l’enfant ou le financement de la PMA (remboursement, ou pas, pour qui ?) – devront être soulevées. « Il ne s’agit pas de prendre des décisions sans réfléchir aux conséquences : en tant que professionnels de santé, nous nous devons d’alerter sur la faisabilité, en interpellant par exemple sur le manque de dons. En effet, le don de sperme n’a pas un caractère vital comme celui de sang : il est donc plus difficile de mobiliser. » En novembre, l’Agence de la biomédecine devrait d’ailleurs lancer une campagne de sensibilisation d’envergure sur le don de gamètes. Avec un objectif affiché : augmenter le nombre de donneurs, seule solution pour que les délais d’attente ne s’envolent pas.
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