LES RESULTATS de l'étude américaine pourraient déboucher sur la mise au point d'une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie d'Alzheimer, qui serait fondée sur le transfert de l'allèle E2 du gène de l'apolipoprotéine E (apoE2) directement dans l'hippocampe des malades. Des expériences menées chez la souris ont en effet permis à Dodart et coll. de découvrir que cette approche peut conduire à une réduction significative de la charge en peptides amyloïde-bêta associés à la maladie neurodégénérative.
Deux allèles du gène apoE sont connus pour avoir un impact important sur le risque de maladie d'Alzheimer : l'allèle apoE4 est associé à une augmentation de ce risque, l'allèle apoE2 semble au contraire le réduire.
Une expression abondante dans les astrocytes et la microglie.
L'apolipoprotéine E est exprimée en abondance dans le cerveau, en particulier par les astrocytes et les microglies. On suppose qu'elle joue un rôle dans la plasticité neuronale et dans la synaptogenèse. Cependant, personne ne connaît le rôle exact de cette protéine et de ses différents variants dans la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer.
Afin d'éclaircir cette question, Dodart et coll. ont choisi d'utiliser un modèle animal, la souris transgénique PDAPP. Cette lignée murine surexprime un allèle mutant de la protéine humaine APP (Amyloid Precursor Protein) associé à une forme dominante autosomale de la maladie d'Alzheimer.
Dans une première série d'expériences, les chercheurs ont travaillé avec des animaux PDAPP qui n'exprimaient pas le gène murin apoE. Ils ont injecté à ces souris, directement dans l'hippocampe, des vecteurs lentiviraux porteurs des différents allèles du gène apoE humain.
Ce procédé de transfert de gène s'est révélé très efficace : cinq semaines après l'injection, l'analyse de l'hippocampe des animaux ayant reçu une injection a montré que la protéine humaine était exprimée non seulement par les cellules jouxtant le point d'injection, mais aussi par des cellules distales, réparties dans l'ensemble de la structure cérébrale étudiée.
La charge en peptide amyloïde-bêta dépend du type d'apoE.
Plus intéressant encore, il est apparu que la charge en peptides amyloïde-bêta détectée dans le cerveau des souris dépendait du type de l'allèle apoE qu'on leur avait transféré : la quantité de peptides amyloïdes-bêta insolubles mesurée chez les souris qui avaient reçu l'allèle apoE4 était deux ou trois fois supérieure à celle mesurée chez les souris ayant reçu l'allèle E3 ou E2.
Dodart et coll. ont poursuivi leur étude en renouvelant l'expérience sur des animaux PDAPP qui exprimaient leur gène endogène apoE murin. Dans de telles conditions, le transfert de l'allèle E4 n'a pas produit d'effet particulier. En revanche, chez les souris injectées avec un vecteur porteur de l'allèle E2, les chercheurs ont observé une diminution importante (allant de 30 à 50 %) de la charge en peptides amyloïde-bêta.
D'intéressantes perspectives thérapeutiques.
Si ces résultats n'ont finalement apporté aucune nouvelle information sur le rôle de l'apolipoprotéine dans la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer, ils fournissent à la communauté scientifique des données inédites sur l'effet délétère de l'allèle E4 et sur l'effet protecteur de l'allèle E2.
Ils ouvrent, en outre, d'intéressante perspectives thérapeutique : pour Dodart et coll., il est concevable que des expériences de thérapie génique impliquant le transfert du gène apoE2 puissent un jour permettre de prévenir et/ou de soigner la maladie d'Alzheimer.
J.-C. Dodart et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », à paraître dans l'édition du 25 janvier 2005 (vol. 102, pp. 1211-1216).
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